#ToléranceOrale #pTreg
#InflammationIntestinale #DClymphoïdes #AllergieAlimentaire
La tolérance immunitaire aux aliments est un
pilier de la santé intestinale. Elle repose notamment sur des lymphocytes T
régulateurs périphériques (pTreg), qui empêchent les réactions inappropriées
aux protéines alimentaires. Mais qui les éduque ? Une équipe américaine a mis
en évidence le rôle indispensable d’un sous-type rare de cellules dendritiques
exprimant RORγt. Leur absence pourrait bien expliquer certaines formes
d’allergies alimentaires.
L’étude publiée dans Cell démontre que ces
cellules, dérivées de la lignée lymphoïde, sont les véritables chefs
d’orchestre de la tolérance orale, bien plus que les cellules lymphoïdes innées
de type 3 (ILC3), jusqu’ici soupçonnées.
RORγt⁺ DCs : bien plus que des figurants
Pour percer ce mystère, les chercheurs ont
conçu un modèle murin (Rorc^E+7kbΔ/Δ) dans lequel un élément cis-régulateur
situé à +7 kb du gène Rorc a été supprimé. Ce site contrôle l’expression de
RORγt dans certaines cellules immunitaires. Cette délétion a entraîné une perte
sélective des cellules ILC3 et des cellules dendritiques RORγt⁺, sans affecter les lymphocytes T RORγt⁺.
Les souris mutantes présentaient une
diminution marquée des pTreg et une expansion anormale des cellules Th2,
traduisant un déséquilibre immunitaire typique des réactions allergiques. Fait
notable : les souris dépourvues uniquement d’ILC3 conservaient des niveaux
normaux de pTreg, confirmant le rôle unique des cellules dendritiques RORγt⁺.
Un rôle clé dans l’environnement
immunitaire
Des greffes de moelle osseuse ont confirmé que
la baisse des pTreg découle de l’absence de signaux extrinsèques fournis par
les DCs RORγt⁺, et non d’un défaut intrinsèque des lymphocytes T. Chez les receveurs mutants, les pTreg chutent à 1,6 % des CD4⁺ (vs 5,3 % chez les témoins), avec une hausse concomitante des Th2.
Tolérance perdue, inflammation accrue
Face à l’ovalbumine orale, les souris
Rorc^E+7kbΔ/Δ n’induisent presque pas de pTreg FOXP3⁺ RORγt⁺ (<1 %, contre 5 % chez les témoins). Les Th2 atteignent 30 % des cellules OT-II (vs 10 %), accompagnées d’une inflammation intestinale : perméabilité augmentée (FITC-dextran x2–3), lipocaline fécale
élevée, et doublement des cellules
caliciformes. En modèle
d’asthme, les Th2
pulmonaires dépassent
25 %, avec hausse des IgE anti-OVA. Fait notable : cette dérive Th2 persiste même sans microbiote, soulignant l’importance des DCs RORγt⁺.
Un atout contre les parasites ?
Chez les souris infectées par Heligmosomoides
polygyrus, l’absence de DCs RORγt⁺ favorise une réponse antiparasitaire renforcée : moins d’œufs dès J15 (200 vs 600/g de fèces), plus de granulomes (6 vs 2 à J9), Th2 augmentées et production de mucus
exacerbée. Une défense accrue, mais au prix d’un déséquilibre immunitaire.
Identification d’un sous-type rare mais
stratégique
Grâce à une souris reporteur et une analyse
transcriptomique unicellulaire (scRNA-seq), les chercheurs ont identifié ces
DCs migratrices CCR6⁺ RORγt⁺, enrichies dans les ganglions drainant le cæcum (jusqu’à 2,5 % des DCs). Chez les souriceaux de 15 jours, elles représentent 10 % des DC2
migratrices. En l’absence
du site +7 kb, certains sous-types (DCs II–IV) chutent de 70 %, à l’exception des cellules Janus exprimant AIRE.
Une origine lymphoïde confirmée
Par traçage de lignée, plus de 70 % des DCs
RORγt⁺ proviennent de progéniteurs lymphoïdes IL-7R⁺ (vs <10 % des myéloïdes). En culture, ces
progéniteurs génèrent des DCs RORγt⁺ en 4–6 jours, particulièrement avec FLT3L, IL-7 et
SCF.
RORγt⁺ DCs : la clé manquante de la tolérance alimentaire
Les cellules dendritiques RORγt⁺ apparaissent comme des sentinelles majeures de l’immunité intestinale. Indispensables à l’induction des
lymphocytes T régulateurs
périphériques (pTreg), elles
assurent la tolérance
aux antigènes alimentaires et préviennent les dérives immunitaires de type
Th2. Leur absence déclenche
une réponse inflammatoire
exacerbée, typique des
pathologies allergiques. L’identification fine de cette population — notamment par les marqueurs CCR6, Pigr, Tlr12 et
Nr4a3 — ouvre des perspectives
inédites pour leur caractérisation dans des contextes cliniques tels que
l’allergie alimentaire ou les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
Ces travaux repositionnent les DCs RORγt⁺ au cœur
des mécanismes de tolérance orale et suggèrent de nouvelles cibles thérapeutiques prometteuses.
Source(s) :
Rodrigues, P. F., et al. (2025). Rorgt-positive dendritic cells are required for the induction of peripheral regulatory T cells in response to oral antigens. Cell, 188(10), 2720–2737. ;