Précédent Suivant

Dengue sévère : victime de sa propre défense ?

Infectiologie

#Dengue #RéponseImmunitaire #Immunité #CelluleNK #LT


La dengue est une arbovirose endémique dans plus de 100 pays et représente une menace majeure de santé publique. Si la plupart des cas restent bénins, les formes sévères — dengue sévère (SD) ou dengue hémorragique — sont marquées par une hyperperméabilité vasculaire, un choc hypovolémique et un risque de décès. Or, ces formes graves sont souvent dues à une réponse immunitaire exacerbée plutôt qu’à la réplication virale elle-même.


Les traitements actuels sont exclusivement symptomatiques. Il n’existe à ce jour aucun antiviral spécifique ni immunomodulateur validé. Cette absence de thérapies ciblées est en grande partie due à la complexité des réponses immunitaires impliquées, et au manque de compréhension des mécanismes cellulaires sous-jacents.


L’un des principaux défis est de comprendre comment certaines réponses immunitaires, pourtant censées protéger l’individu, contribuent à la gravité clinique de la dengue. Cette revue vise à identifier les acteurs cellulaires clés et les mécanismes de dérèglement impliqués, en tenant compte de la variabilité liée aux sérotypes viraux et aux antécédents d’exposition.


Qui perd le contrôle ?


Différentes études cliniques, expérimentales animales et in vitro traitant spécifiquement des réponses immunitaires cellulaires impliquées dans la dengue sévère ont été sélectionnées et analysées. L’activation, la dérégulation et les fonctions des principales cellules immunitaires — cellules NK, monocytes/macrophages, cellules dendritiques, lymphocytes T et B — ont été étudiées face aux différents sérotypes du virus. Une attention particulière a été portée aux mécanismes favorisant l’hyperinflammation ainsi qu’au rôle du phénomène d’“antibody-dependent enhancement” (ADE) dans l’aggravation de la maladie. Les profils immunitaires observés dans les formes bénignes sont comparés à ceux des formes sévères, afin d’identifier les signatures cellulaires associées à la progression pathologique.


La revue met en évidence plusieurs altérations majeures de la réponse immunitaire au cours de la dengue sévère. Les cellules NK et les monocytes/macrophages sont fortement activés par l’infection et sécrètent massivement des cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-6, le TNF-α et l’IFN-γ, contribuant à une “cytokine storm” responsable de la fuite vasculaire. Les cellules dendritiques présentent une activation altérée, qui perturbe la coordination entre les réponses innée et adaptative. Les lymphocytes T CD4+ et CD8+ montrent une activation intense et une réponse cytotoxique excessive, avec une production élevée de granzyme B et de perforine, directement associée à la gravité des symptômes. Le rôle des cellules B est ambivalent. Elles assurent une protection par les anticorps neutralisants, mais peuvent également contribuer à la pathogenèse via le phénomène d’ADE. Enfin, chez les patients ayant déjà été exposés à un sérotype de la dengue, la réponse mémoire secondaire peut paradoxalement aggraver l’infection en facilitant l’entrée du virus dans les cellules cibles grâce aux anticorps non neutralisants.



Quand l’immunité s’emballe


La dengue sévère se caractérise par une réponse immunitaire dérégulée, dans laquelle les cellules innées et adaptatives participent activement à la destruction des barrières vasculaires et à l’aggravation clinique. Les principaux défis résident dans la distinction fine entre réponse protectrice et réponse pathogène, l’identification de biomarqueurs prédictifs et le développement de traitements ciblant la régulation immunitaire. L’objectif de cette revue était d’explorer les dérèglements immunitaires à l’œuvre dans la dengue sévère, afin de mieux comprendre les leviers potentiels d’intervention.


Les données actuelles soulignent l’importance d’une immunomodulation ciblée pour prévenir les complications graves. Toutefois, cette revue reste limitée par l’hétérogénéité des données, l’absence de corrélation stricte entre niveaux d’activation cellulaire et symptômes cliniques, et le manque d’études longitudinales robustes. Des travaux supplémentaires incluent le développement de stratégies thérapeutiques visant à limiter l’activation excessive des cellules immunitaires, la conception de vaccins tenant compte du risque d’ADE, et une meilleure intégration des profils immunologiques dans la stratification des patients à risque.





Source(s) :
Yoo, J. S., et al. (2025). Dysregulated immune cell responses in severe dengue pathogenesis. Frontiers in immunology, 16, 1600999. ;

Dernières revues


Virus & Fertilité : Quand la barrière cède-t-elle ?

#Virus #BHT #Sertoli #InfertilitéVirale &nbsp; <br><br>...

Dengue sévère : victime de sa propre défense ?

#Dengue #RéponseImmunitaire #Immunité #CelluleNK #LT <br> ...

Probiotiques : alliés ou illusion ?

#Probiotique #Inflammation #Microbiote Intestinal #MaladieChronique #Sa...