Les recommandations thérapeutiques concernant l’hypertension artérielle chronique pendant la grossesse varient selon les organisations internationales. Il existe un consensus pour traiter les femmes enceintes présentant une hypertension artérielle sévère mais le ratio bénéfice-risque du traitement de l'hypertension artérielle chronique légère (pression artérielle <160/100 mm Hg) pendant la grossesse reste incertain, cette stratégie ayant pu être associée à un risque accru d’hypotrophie néonatale. Il est nécessaire de préciser si une stratégie de contrôle de l’HTA chronique légère associée à une cible < 140/90 mm Hg réduit l'incidence des complications obstétricales sans compromettre la croissance fœtale.
Les résultats d’un essai ouvert, randomisé et multicentrique ont récemment fait l’objet d’une publication dans The New England Journal of Medicine. Deux mille quatre cent huit femmes enceintes de moins de 23 SA, porteuses d’une grossesse simple et présentant une hypertension artérielle chronique légère ont été randomisées en deux groupes, entre septembre 2015 et mars 2021 : un groupe bénéficiant d’un traitement anti-hypertenseur de classe adaptée aux recommandations (1208 patientes), un groupe témoin ne recevant aucun traitement (1200 patientes), à moins qu'une hypertension artérielle sévère n’apparaisse. L'HTA sévère ou un niveau de pression artérielle justifiant plus d'une monothérapie, une HTA secondaire, une grossesse multiple, des maladies ou comorbidités à haut risque avec objectif strict de contrôle de pression artérielle, des conditions obstétricales augmentant le risque fœtal et des contre-indications aux antihypertenseurs de première intention recommandés pendant la grossesse constituaient les critères d'exclusion. Le critère principal de jugement était un score composite basé sur la survenue d’une prééclampsie sévère, naissance prématurée indiquée médicalement < 35 SA, décollement placentaire ou mort fœtale ou néonatale. Le critère de sécurité était un poids de naissance inférieur au 10èmepercentile pour l'âge gestationnel. Les critères secondaires incluaient les complications néonatales ou maternelles graves, la prééclampsie et la prématurité.
Au total, l'incidence d'un événement inclus dans critère principal d’évaluation était plus faible dans le groupe traité activement en comparaison au groupe témoin (30,2 % versus 37,0 %; RRA = 0,82 ; IC95% : [0,74 - 0,92] ; p<0,001), sans différence significative en termes d’hypotrophie néonatale (11,2 % dans le groupe traité versus 10,4 % dans le groupe témoin ; p=0,76). Concernant les critères secondaires, l'incidence des complications maternelles graves dans le groupe traité et témoin était de 2,1 % et 2,8 %, respectivement (RR = 0,75 ; IC95% : [0,45 - 1,26], et l'incidence des complications néonatales graves était de 2,0 % et 2,6 % (RR = 0,77 ; IC95% : [0,45 - 1,30]. L'incidence de toute prééclampsie dans les deux groupes était de 24,4 % et 31,1 %, respectivement (RR = 0,79 ; IC95 % : [0,69 - 0,89] et l'incidence des naissances prématurées était de 27,5 % et 31,4 % (RR = 0,87 ; IC95% : [0,77 - 0,99].
Les auteurs concluent en faveur d’un bénéfice d’une stratégie thérapeutique ciblant une PA < 140/90 mmHg en cas d’HTA chronique légère au cours de la grossesse, incluant la poursuite du traitement anti-hypertenseur habituel, en comparaison à une stratégie de surveillance ne réservant le traitement qu’en cas d’apparition d’HTA sévère, et ce sans majoration du risque d’hypotrophie néonatale.