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04/11/2025

Curcumine et cancer de la prostate : une thérapie prometteuse soutenue par la nanotechnologie

Oncologie

Par Carolina Lima | Publié le 4 novembre 2025 | 3 min de lecture


Le cancer de la prostate (CaP) demeure l’un des cancers les plus fréquents chez l’homme à l’échelle mondiale, évoluant souvent vers des formes résistantes aux traitements. Ces dernières années, la curcumine — un composé polyphénolique extrait du Curcuma longa — a suscité un vif intérêt en raison de ses propriétés anticancéreuses multi-cibles. Une récente revue systématique publiée dans BMC Cancer (2025) met en lumière les données précliniques sur les mécanismes moléculaires d’action de la curcumine dans le cancer de la prostate, ainsi que sur la manière dont la nanotechnologie en améliore le potentiel thérapeutique.
 


Cibles moléculaires et mécanismes d’action


La curcumine module plusieurs voies clés impliquées dans la tumorigenèse prostatique :

  • Voie PI3K/Akt/mTOR : axe majeur de croissance tumorale, notamment dans les tumeurs déficientes en PTEN, un gène suppresseur de tumeur souvent inactivé dans le CaP. L’absence de PTEN entraîne une signalisation hyperactive. Les formulations nanotechnologiques de curcumine, telles que Theracurmin®, suppriment efficacement cette voie, réduisant la prolifération cellulaire.
  • NF-κB : lorsqu’il est suractivé, ce facteur de transcription stimule la production de cytokines pro-inflammatoires (ex. TNF-α), créant un environnement favorable à la tumeur et inhibant l’apoptose. La curcumine diminue l’expression de NF-κB et de ces cytokines, favorisant la mort cellulaire programmée et limitant l’inflammation tumorale.
  • Récepteur aux androgènes (AR) : essentiel à la croissance tumorale, tant dans les stades hormono-sensibles que résistants. L’AR est activé par la testostérone et la dihydrotestostérone. La curcumine et certains de ses dérivés (ex. H10) inhibent des enzymes telles que 17β-HSD3, impliquées dans la biosynthèse de la testostérone, réduisant ainsi les niveaux d’androgènes et l’activité de l’AR. Ce mécanisme fait de la curcumine un adjuvant potentiel aux thérapies de privation androgénique.
  • Apoptose et nécroptose : la curcumine active à la fois les voies apoptotiques intrinsèques (Bax, caspase-3) et extrinsèques (DR4/DR5), et induit la nécroptose dans les cellules prostatiques adaptées à un environnement acide. Ce double mécanisme de mort cellulaire cible les cellules cancéreuses tout en épargnant les tissus sains.
 

Effets anti-métastatiques et métaboliques


Dans les modèles précliniques, la curcumine induit systématiquement l’apoptose, bloque le cycle cellulaire (en phases G1 ou G2/M), et réduit la migration et l’invasion des cellules cancéreuses en inhibant la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT), un processus clé de la dissémination tumorale. Elle inhibe également l’angiogenèse et perturbe le métabolisme énergétique tumoral en bloquant PDHA1, une enzyme essentielle à la production d’énergie mitochondriale.  


Nanotechnologie : améliorer la biodisponibilité


L’un des principaux défis de la thérapie à la curcumine réside dans sa faible solubilité et biodisponibilité. Les approches nanotechnologiques offrent des solutions innovantes :

  • Theracurmin® : formulation nanoparticulaire augmentant la biodisponibilité d’un facteur supérieur à 40.
  • Nanoparticules curcumine–dextran : accroissent la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS), induisant un stress oxydatif létal et inhibant l’EMT.
  • Phytosomes conjugués à du venin de scorpion : renforcent l’apoptose et la dysfonction mitochondriale.
  • Nanoparticules à base de PLGA : inhibent plus efficacement la biosynthèse stéroïdienne et la production d’androgènes que la curcumine libre.
 

Thérapies synergiques et potentiel photodynamique


L’efficacité de la curcumine est renforcée lorsqu’elle est associée à :

  • Des chimiothérapies (docétaxel, cisplatine) : synergie apoptotique et meilleure inhibition tumorale.
  • Des composés naturels (quercétine, acide carnosique) : modulation combinée des voies ROS, NF-κB et MAPK.
  • L’irradiation lumineuse : augmente la cytotoxicité à très faibles doses, soutenant son usage en thérapie photodynamique.
 

Conclusion : une alliée naturelle, sûre et intelligente dans la prise en charge du cancer de la prostate


La curcumine démontre une activité anticancéreuse multicible et puissante dans le cancer de la prostate, agissant sur des voies clés (PI3K/Akt/mTOR, NF-κB, AR, EMT) tout en conservant un profil de toxicité faible.


Pour traduire ce potentiel en bénéfices cliniques, la recherche future devra optimiser les formulations afin d’améliorer la biodisponibilité, identifier les patients les plus répondeurs, et conduire des essais cliniques rigoureux pour valider sécurité et efficacité.

Grâce à son large spectre d’action et à son excellente tolérance, la curcumine pourrait également être envisagée comme complément préventif chez les hommes à risque accru de cancer de la prostate. Son utilisation doit toutefois rester encadrée par des professionnels de santé et appuyée par des preuves cliniques supplémentaires.


Par sa polyvalence et sa compatibilité avec les traitements existants, la curcumine se distingue comme un agent naturel prometteur, capable de rendre la prise en charge du cancer de la prostate plus efficace, moins toxique et plus centrée sur le patient.
 

Source(s) :
Esmaeli, M., & Dehghanpour Dehabadi, M. (2025). Curcumin in prostate cancer: A systematic review of molecular mechanisms and nanoformulated therapeutic strategies. BMC Cancer, 25, 1609. ;

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