L’intensification thérapeutique précoce est-elle la clé dans le cancer de la prostate métastatique sensible à la castration ?
Oncologie
Le cancer de la prostate métastatique sensible à la
castration (mCSPC) reste un enjeu majeur de santé publique chez l’homme.
Historiquement, la prise en charge reposait sur la monothérapie par
suppression androgénique (ADT). Cependant, les dernières avancées dans la
compréhension de l’axe du récepteur aux androgènes (AR) ont profondément
modifié les approches thérapeutiques. L’intégration précoce de chimiothérapies
(comme le docétaxel) ou d’inhibiteurs du signal du récepteur aux androgènes
(ARSI) a permis une amélioration significative de la survie globale,
notamment chez les patients présentant une maladie à fort volume tumoral.
Cette revue dresse un panorama actualisé des stratégies validées et des
thérapies émergentes.
Faut-il
intensifier le traitement dès le diagnostic du mCSPC ?
Le traitement du mCSPC repose
désormais sur des schémas combinés, où l’ADT est systématiquement
associé à une thérapie d’intensification.
Les essais CHAARTED et STAMPEDE
ont démontré que l’ajout précoce de docétaxel à l’ADT prolonge
significativement la survie globale chez les patients avec maladie à
fort volume. À l’inverse, les bénéfices chez les patients à faible volume
restent discutés. L’étude GETUG-AFU15 n’a pas montré d’avantage clair,
mais une méta-analyse regroupant les données confirme l’intérêt du
docétaxel dans les formes agressives.
La deuxième révolution vient des inhibiteurs
de l’axe androgénique : abiratérone, enzalutamide, apalutamide
et darolutamide. L’étude LATITUDE a révélé que l’ajout
d’abiratérone à l’ADT chez des patients à haut risque augmentait la survie
médiane à 53,3 mois, contre 36,6 mois pour l’ADT seul. Ces
résultats ont été corroborés par STAMPEDE, avec une survie prolongée à 76,6
mois.
Enzalutamide (études ENZAMET
et ARCHES), apalutamide (TITAN), et darolutamide (ARASENS,
ARANOTE) ont chacun démontré des bénéfices en termes de survie sans
progression et de tolérance améliorée. Darolutamide, notamment,
présente un profil neurotoxique plus favorable grâce à une faible
pénétration de la barrière hémato-encéphalique.
La thérapie triplet (ADT +
ARSI + docetaxel) est désormais une option pour les patients avec maladie de
novo à fort volume, avec des bénéfices démontrés dans les essais PEACE-1
et ARASENS. Toutefois, des comparaisons directes entre triplets et
doubles combinaisons incluant un ARSI sont encore en cours.
L’approche thérapeutique évolue
également avec l’intégration de stratégies ciblées. Les thérapies à base
de PARP inhibiteurs (e.g., niraparib, saruparib) sont en évaluation pour
les patients porteurs de mutations de gènes de réparation de l’ADN
(BRCA1/2, ATM). Le ciblage de la voie PTEN/PI3K/AKT avec le capivasertib
est également prometteur (essai CAPItello-281).
Par ailleurs, des stratégies de radiothérapie
dirigée sur la tumeur primaire ont montré des bénéfices en survie
globale dans les maladies à faible charge métastatique (essais STAMPEDE
et HORRAD). La radiothérapie des métastases (SBRT), testée dans
les essais STOMP et ORIOLE, prolonge également la survie sans
progression chez les patients en rechute oligométastatique.
Enfin, les thérapies par ligands
radiomarqués PSMA, comme le 177Lu-PSMA-617, suscitent un grand
intérêt dans les cas à fort volume (essai UpFrontPSMA).
L’ère du
sur-mesure est-elle devenue la nouvelle norme en oncologie prostatique ?
La gestion du mCSPC est
entrée dans une ère de traitement intensifié et personnalisé.
L’association de l’ADT avec des ARSI, parfois complétée par le docetaxel,
constitue le socle actuel du traitement, en particulier dans les
maladies à haut volume. Les perspectives futures s’orientent vers une stratification
biomoléculaire, une meilleure tolérance thérapeutique, et une individualisation
des traitements.
Les défis persistent, notamment la comparaison
directe entre doublet et triplet, la sélection des patients pour les
traitements locaux ou ciblés, et la réduction de la toxicité cumulative.
Les études en cours offriront une meilleure définition des stratégies
optimales, et renforceront l’orientation vers une oncologie de précision,
adaptée au profil génomique et clinique de chaque patient.
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