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06/06/2025

Boulimie : l’appétit des neurones

Endocrinologie et Métabolisme Neurologie

#TroubleAlimentaire #Hyperphagie #ModèlesAnimaux #Anxiété #Compulsivité #Métabolisme #Neuroplasticité  


L’hyperphagie boulimique (binge eating) désigne un comportement alimentaire pathologique caractérisé par la consommation rapide et incontrôlée de grandes quantités d’aliments, le plus souvent hypercaloriques, riches en sucres et/ou en graisses. Ce phénomène s’accompagne d’un sentiment de perte de contrôle, souvent suivi de culpabilité ou de détresse psychologique, sans nécessairement recourir à des comportements compensatoires comme le vomissement. Ce schéma est typique des troubles du comportement alimentaire tels que la boulimie nerveuse et le trouble d’hyperphagie boulimique, désormais reconnu comme une entité clinique à part entière dans les classifications internationales.


Au-delà de ses manifestations comportementales, le binge eating est associé à des conséquences métaboliques importantes, ainsi qu’à des altérations cognitives et émotionnelles. Chez l’humain, ces comorbidités sont fréquemment confondues avec celles de l’obésité ou de l’exposition prolongée à des environnements alimentaires "obésogènes", rendant difficile l’identification des effets spécifiques du comportement boulimique lui-même.


Cette étude a été menée pour mieux comprendre les effets spécifiques du binge eating et pour identifier les mécanismes comportementaux et métaboliques impliqués. Les modèles animaux, notamment chez le rat et la souris, offrent un outil précieux pour explorer ces mécanismes. Grâce au contrôle des variables alimentaires, environnementales et génétiques, ils permettent d’isoler les effets propres au comportement boulimique et d’étudier la compulsion, les circuits de récompense et les changements hormonaux associés.



Manger sans frein : à quel prix ?


Dans cette étude, 204 essais ont été sélectionnés pour examiner les effets spécifiques du binge eating, indépendamment de l’obésité ou d’une alimentation riche prolongée. Deux groupes animaux ont été comparés afin d’isoler les conséquences comportementales et physiologiques propres au comportement boulimique :

  • Rongeurs exposés à des régimes boulimiques intermittents ;
  • Rongeurs recevant soit un régime standard, soit un accès continu aux mêmes aliments palatables.

Les résultats montrent que l’exposition à un régime boulimique augmente l’anxiété chez les rongeurs. Cette anxiété est mesurée par une diminution du temps passé dans les bras ouverts du labyrinthe en croix surélevé. Toutefois, cet effet reste modeste. Sur le plan motivationnel, les animaux boulimiques manifestent une persistance accrue dans la recherche de l’aliment cible, comme en témoigne leur performance au test de ratio progressif. Cette intensification du comportement ne s’accompagne toutefois pas d’une augmentation du plaisir associé à la consommation, suggérant une dissociation entre « wanting » (envie) et « liking » (plaisir).


Par ailleurs, ces animaux présentent des comportements alimentaires compulsifs, maintenant leur consommation malgré la présence de stimuli aversifs ou de punitions, ce qui témoigne d’un déficit du contrôle inhibiteur. Ils montrent également une résilience marquée au stress, ne réduisant pas leur prise alimentaire après exposition à un facteur stressant, contrairement aux témoins. Enfin, bien que la prise de poids ne soit pas systématiquement observée, les rongeurs boulimiques développent des altérations métaboliques notables, incluant des perturbations du métabolisme glucidique, lipidique et hormonal, proches de celles induites par des régimes hypercaloriques prolongés.
 

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Quand le cerveau réclame, le corps trinque


L’hyperphagie boulimique est un trouble alimentaire caractérisé par une prise alimentaire excessive et incontrôlée, associée à une forte compulsivité et à des troubles émotionnels. Ce comportement, fréquent dans la boulimie nerveuse et le trouble d’hyperphagie boulimique, reste difficile à dissocier des effets liés à l’obésité ou à une alimentation riche prolongée.


Un défi majeur réside dans la grande hétérogénéité des modèles expérimentaux et dans les méthodes de mesure comportementale et physiologique qui varient fortement d’une étude à l’autre. Par exemple, le signal anxieux est plus marqué dans les régimes sucrés, et influencé par le type de sevrage (spontané ou induit).

Dans ce contexte, cette étude visait à isoler les effets comportementaux et physiologiques spécifiques du binge eating à travers une synthèse critique de modèles animaux.

Les résultats confirment la pertinence des modèles animaux pour explorer les circuits motivationnels et émotionnels impliqués dans la boulimie. L’identification de marqueurs de compulsivité et les premières observations de reprogrammation neurobiologique offrent des pistes concrètes pour le développement de stratégies pharmacologiques ou comportementales ciblées, notamment centrées sur le système de récompense.

De plus, les travaux effectués permettent de distinguer les mécanismes propres à la compulsion alimentaire, indépendamment de l’obésité, en mettant en évidence une augmentation de l’anxiété, une persistance motivée envers l’aliment cible, et des signes de dérèglements métaboliques sans prise de poids systématique.


Pour progresser vers des applications cliniques, les prochaines recherches devront homogénéiser les protocoles expérimentaux, mieux intégrer les données de genre, et adopter des mesures longitudinales standardisées. L’enjeu est de traduire ces observations en stratégies de prise en charge plus efficaces et personnalisées pour les patients souffrant de troubles boulimiques.
      

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Source(s) :
Rehn, S., et al. (2025). Behavioural and physiological effects of binge eating: A systematic review and meta-analysis of animal models. Neuroscience and biobehavioral reviews, 173, 106135 ;

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