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16/09/2025

Comment nos cellules neutralisent les ARN toxiques

Pharmacologie et Toxicologie

Par Lila Rouland | Publié le 16 septembre 2025 | 3 min de lecture


#ARNmodifié #ADK #ADAL #Toxicitécellulaire #Métabolisme #Purines #AMPK #Maladiesmétaboliques #Lysosomes #Pharmacologie



Les ARN subissent plus de 170 modifications post-transcriptionnelles. Leur dégradation génère des nucléosides modifiés, dont certains sont toxiques. Cette étude identifie l’adénosine méthylée en position N6 (m⁶A), la diméthyladénosine N6,N6 (m⁶,⁶A) et l’isopentényladénosine (i⁶A) comme particulièrement cytotoxiques. Un mécanisme métabolique conservé, impliquant l'adénosine kinase (ADK) et l'adénosine désaminase-like (ADAL), permet leur transformation en inosine monophosphate (IMP). L'inactivation de cette voie entraîne une toxicité cellulaire grave, une intolérance au glucose et des dysfonctionnements lysosomaux.



Détox express : comment les cellules se débarrassent des adénosines menaçantes ?


Des tests sur 14 lignées cellulaires humaines ont révélé que m⁶A, m⁶,⁶A et i⁶A réduisent significativement la viabilité cellulaire, de manière dose-dépendante. Injectés chez la souris, ces nucléosides sont rapidement métabolisés, sans accumulation plasmatique ni urinaire, indiquant une élimination par détoxification enzymatique plutôt que par excrétion.


Quand l’ARN devient toxique, ADK entre en action


Un criblage à haut débit a identifié l’ADK comme enzyme clé phosphorylant m⁶A, m⁶,⁶A et i⁶A. La suppression d'ADK entraîne une accumulation toxique de ces nucléosides et une létalité post-natale chez la souris. In vitro, ADK phosphoryle efficacement ces substrats en m⁶AMP, m⁶,⁶AMP et i⁶AMP, avec une efficacité catalytique similaire à celle de l’adénosine non modifiée.


Détox ARN : ADAL transforme le danger en métabolite utile


ADAL désamine ensuite ces nucléotides modifiés en IMP, forme inoffensive réintégrée dans la biosynthèse des purines. Chez les souris et cellules ADAL-KO, les formes AMP modifiées s’accumulent, sans variation significative des niveaux d’IMP ou d’AMP standards, signe de compensation métabolique. Des modélisations moléculaires montrent une spécificité stricte d’ADAL pour les substrats modifiés grâce à son motif catalytique DD et un repliement hydrophobe conservé.


Quand les ARN modifiés dérèglent la glycémie


Les AMPs modifiés inhibent allostériquement l'AMPK, un régulateur clé du métabolisme glucidique. Les souris Adal KO présentent une intolérance au glucose, une réduction de l’activation d’AMPK à jeun, et une sous-expression de gènes liés au métabolisme des glucides. Les simulations de docking confirment que ces nucléotides se fixent au site CBS3 d’AMPK, bloquant son activation par l’AMP natif.  


Quand ADK déraille, c’est tout le métabolisme lipidique qui vacille


Des mutations humaines d’ADK (G13E, D218A, etc.) associées à des troubles hépatiques ou neurologiques, abolissent l’activité enzymatique pour les substrats modifiés. Les souris déficientes en ADK présentent une baisse des enzymes lipogéniques (FASN, SCD1), une induction de l’autophagie, et une diminution de l’absorption d’acides gras. Contrairement aux hypothèses antérieures, ces effets ne dépendent pas du métabolisme de la méthionine.


Les lysosomes, premières victimes des ARN toxiques


L’analyse d’interactome à l’aide d’adénosines biotinylées montre leur interaction avec des protéines lysosomales, en particulier ATP6V1A, sous-unité essentielle à l’acidification lysosomale. Leur accumulation perturbe cette localisation, réduit l'activité de l'ATPase, augmente le pH lysosomal et déclenche la mort cellulaire lysosomale (LCD). Le stabilisateur de membrane lysosomale quinacrine restaure les fonctions lysosomales et lipidiques, confirmant ce mécanisme de toxicité.


Une voie métabolique ancestrale aux répercussions cliniques majeures


Ce travail révèle une nouvelle voie de biosynthèse de l’IMP à partir des ARN modifiés, reliant la biologie de l’épitranscriptome au métabolisme énergétique. La voie ADK-ADAL agit comme un système de détoxification indispensable. Sa dérégulation est impliquée dans le diabète, les troubles lipidiques, les maladies hépatiques et neurologiques. Ce mécanisme ouvre des pistes thérapeutiques ciblant les déséquilibres du métabolisme des purines.   

À lire également : CDK6, un régulateur métabolique à double face : adipocyte oui, hépatocyte non




À propos de l'auteure – Lila Rouland
Docteure en cancérologie, spécialisée en biotechnologies et marketing

Forte d’une double compétence scientifique et marketing, Lila met son expertise au service de l’innovation en santé. Après 5 années en recherche académique internationale, elle s’est tournée vers l’information médicale et scientifique en industrie pharmaceutique. Aujourd’hui rédactrice-conceptrice, elle s’attache à valoriser les savoirs scientifiques et à les transmettre avec clarté et pertinence aux professionnels de santé.




Source(s) :
Ogawa, A., et al. (2025). Adenosine kinase and ADAL coordinate detoxification of modified adenosines to safeguard metabolism. Cell, 188(19), 1–19. ;

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