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04/12/2025

Qui a peur de Noël ? Les fêtes déclenchent-elles des crises psychiatriques ?

Psychiatrie

Par Carolina Lima | Publié le 4 décembre 2025 | 3 min de lecture
 

Lorsque nous pensons à Noël ou à Pâques, nous imaginons la joie, les repas en famille et des traditions chaleureuses. Pourtant, pour de nombreuses personnes, cette période peut entraîner des défis psychologiques particuliers. Pour les professionnels de la santé mentale, une question revient souvent : les fêtes augmentent-elles les urgences psychiatriques ? De façon surprenante, les recherches récentes montrent l’inverse. Une étude publiée dans Frontiers in Psychiatry intitulée « Who is Afraid of Christmas? The Effect of Christmas and Easter Holidays on Psychiatric Hospitalizations and Emergencies » apporte des éclairages précieux sur l’impact des périodes festives sur la santé mentale et les soins psychiatriques.
Aperçu de l’étude
Les chercheurs ont analysé 26 088 hospitalisations psychiatriques enregistrées en Suisse entre 2012 et 2021 afin de déterminer si les grandes périodes de fêtes correspondaient à une augmentation des urgences psychiatriques. À la surprise générale, les résultats contredisent l’idée selon laquelle les fêtes aggraveraient les crises. Au contraire, les admissions psychiatriques ont diminué durant Noël et Pâques par rapport au reste de l’année. Le mois de décembre présente systématiquement les taux d’admission les plus faibles, suivi d’une forte hausse en janvier — un phénomène souvent qualifié de « rebond post-fêtes ».
Ce schéma temporel suggère que les fêtes pourraient exercer un effet protecteur temporaire sur la santé mentale. Le soutien social et la présence familiale durant ces périodes festives pourraient servir de tampon contre les crises aiguës. Cependant, le rebond post-fêtes montre que ces bénéfices sont de courte durée, les facteurs de stress réémergeant une fois les célébrations terminées. Explications possibles
Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette tendance :
 
  • Soutien social : les fêtes s’accompagnent souvent de réunions familiales et communautaires, renforçant le sentiment d’appartenance et réduisant l’isolement et le désespoir — deux facteurs fréquents de décompensation.
  • Retard dans la recherche de soins : certaines personnes peuvent repousser une hospitalisation pour ne pas perturber les festivités ou en raison d’un accès limité aux services.
  • Routines structurées : les traditions apportent stabilité émotionnelle et prévisibilité, réduisant la détresse psychologique.
Cependant, cela ne signifie pas que les fêtes sont universellement positives. Pour certains, les contraintes financières, le deuil ou les conflits relationnels peuvent s’accentuer. Les enquêtes montrent régulièrement qu’une proportion significative d’adultes ressent davantage d’anxiété pendant la période des fêtes, sous l’effet des attentes et des pressions sociales. L’effet post-fêtes
La forte augmentation des admissions en janvier est cliniquement notable. Après les fêtes, les individus font face à des obligations financières, au stress professionnel et au contraste entre l’euphorie festive et le retour à la routine. Pour les personnes souffrant de troubles de l’humeur, cette transition peut être déstabilisante. Les professionnels de la santé mentale devraient anticiper ce phénomène et envisager des stratégies préventives, par exemple en programmant des consultations de suivi ou en offrant un soutien accru début janvier.
Implications pour les soins en santé mentale
Comprendre ces dynamiques saisonnières peut aider à optimiser les services psychiatriques :
 
  • Planification des ressources : les hôpitaux peuvent s’attendre à une baisse de la demande durant les fêtes, suivie d’une hausse marquée après celles-ci.
  • Soins préventifs : l’étude souligne l’importance du lien social ; encourager les patients à maintenir des routines, gérer leurs attentes et rechercher un soutien social durable pendant les fêtes.
  • Surveiller l’isolement : tout le monde ne bénéficie pas d’un soutien familial — les personnes seules durant les fêtes peuvent nécessiter un suivi proactif pour prévenir les crises. L’identification de ces individus reste essentielle.
Conclusion
La période des fêtes est un moment complexe pour la santé mentale. Cette étude remet vraiment en question l’idée que les fêtes seraient une période de pic pour les urgences psychiatriques. En réalité, les données suggèrent l’inverse, probablement grâce au soutien social et aux routines familières. Mais ce calme est temporaire. La forte hausse des admissions en janvier rappelle que les symptômes réapparaissent souvent lorsque les festivités prennent fin.
Pour les professionnels de la santé mentale, ces résultats offrent des pistes pratiques. Se préparer au rebond post-fêtes et rester en contact avec les patients avant et après les périodes festives peut faire une réelle différence. Ceux qui vivent la solitude ou des difficultés financières peuvent nécessiter un soutien supplémentaire. Ce qui ressort clairement, c’est à quel point le contexte façonne la santé mentale. Pour certains, les fêtes sont protectrices et réconfortantes ; pour d’autres, elles peuvent être accablantes. Reconnaître ces différences nous permet de dépasser les idées reçues et d’offrir des soins proactifs, bienveillants et adaptés aux réalités de chacun..



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À propos de l’auteure – Carolina Lima
Docteure spécialisée en anesthésiologie

Carolina est spécialiste en anesthésiologie et nourrit une profonde passion pour l’apprentissage et le partage des connaissances médicales. Dévouée à l’avancement de sa discipline, la Dre Lima s’efforce d’apporter à la communauté médicale des perspectives nouvelles fondées sur les données probantes. Considérant la médecine non pas simplement comme une profession, mais comme un parcours d’apprentissage continu tout au long de la vie, la Dre Lima s’engage à rendre l’information complexe claire, pratique et utile pour les professionnels de santé du monde entier.

Source(s) :
Schneider, E., et al. (2023). Who is afraid of Christmas? The effect of Christmas and Easter holidays on psychiatric hospitalizations and emergencies — Systematic review and single-center experience from 2012 to 2021. Frontiers in Psychiatry, 13, 1049935. ;

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