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02/06/2025

Fumer moins, penser mieux ?

Pharmacologie et Toxicologie

#Nicotine #Tabac #NAC #MET #Neuroplasticité #SevrageTabagique
 

L’addiction à la nicotine est aujourd’hui reconnue comme une pathologie chronique du comportement, à la fois psychologique et neurobiologique. Elle repose sur un renforcement positif puissant, orchestré par des cascades neurochimiques complexes impliquant principalement les systèmes dopaminergique et glutamatergique. La nicotine stimule la libération de dopamine dans le noyau accumbens, créant une sensation de récompense, tandis que le glutamate module les circuits de renforcement, de mémoire du plaisir et de comportement compulsif.


Malgré les stratégies existantes – substituts nicotiniques, thérapies comportementales, varénicline, bupropion – le taux de rechute reste élevé, particulièrement chez les fumeurs fortement dépendants, souvent résistants aux interventions classiques. Cette résilience clinique souligne la nécessité de développer de nouvelles approches combinées, capables de cibler à la fois les bases neurobiologiques de l’addiction et ses composantes motivationnelles.


Dans cette optique, le N-acétylcystéine (NAC), un dérivé de la cystéine, suscite un intérêt croissant. Précurseur du glutathion, il exerce une action antioxydante et régule le système glutamatergique. En restaurant l
’homéostasie du glutamate extracellulaire dans le cortex préfrontal, le NAC pourrait atténuer les envies irrépressibles de fumer et réduire la vulnérabilité à la rechute. La thérapie de renforcement motivationnel (MET) vise à aider le patient à définir ses objectifs, renforcer son engagement et mobiliser ses propres ressources pour le changement. Combinée au NAC, cette approche intégrée offre un levier neurochimique et comportemental, renforçant les chances de succès du sevrage, notamment chez les personnes les plus à risque de rechute.


Cette étude a donc été initiée de sorte à évaluer l’efficacité du NAC combiné à la MET dans l’arrêt du tabac.
 


Et si le cerveau réagissait au NAC ?


Dans cette étude, 90 fumeurs actifs ont été sélectionnés et répartis aléatoirement en deux groupes :

  • Groupe NAC + MET (n=39)
    Groupe placebo + MET (n=41).

L’intervention s’est déroulée sur une période de 12 semaines, au cours de laquelle le NAC a été administré à la dose de 3600 mg par jour, en parallèle de séances régulières de MET. Une évaluation métabolique cérébrale par spectroscopie par résonance magnétique (MRS) a été réalisée en fin d’étude afin d’analyser les effets neurochimiques du traitement.


Les résultats ont révélé une augmentation significative du ratio Glx/créatine dans le cortex préfrontal médian gauche, une région clé impliquée dans la régulation des fonctions exécutives et du contrôle des impulsions. De plus, une élévation marquée du ratio NAA/créatine a été observée dans le cervelet bilatéral (p < 0,001), suggérant une amélioration possible de l’intégrité neuronale dans cette zone.


Sur le plan de la tolérance, aucun effet indésirable grave n’a été rapporté. Les effets secondaires les plus fréquents, tels que des troubles digestifs, des céphalées ou une sécheresse buccale, ont été modérés et bien supportés par les participants. Aucune autre différence significative n’a été identifiée entre les deux groupes dans les autres régions cérébrales analysées.
   

À lire également : Efficacité et tolérance des antidépresseurs dans l’aide au sevrage tabagique


Un duo gagnant contre la dépendance ?


L’addiction à la nicotine est une dépendance chronique difficile à traiter, notamment en raison de son ancrage neurobiologique profond et du taux élevé de rechute, même après interventions thérapeutiques. Parmi les défis majeurs figurent la résistance aux approches classiques, la variabilité des réponses au sevrage, et l’absence de biomarqueurs objectifs pour guider les stratégies personnalisées. Dans ce contexte, cette étude visait à évaluer les effets neurochimiques du N-acétylcystéine combiné à la thérapie de renforcement motivationnel, chez des fumeurs actifs.

Les résultats suggèrent que l’association NAC + MET pourrait moduler favorablement la chimie cérébrale, en particulier dans des régions clés du contrôle des impulsions et de la récompense. Cette modulation est soutenue par des données et une bonne tolérance du traitement, positionnant le NAC comme un adjuvant thérapeutique prometteur dans les programmes de sevrage tabagique.


Néanmoins, cette étude présente plusieurs limites majeures qui appellent à la réalisation de recherches complémentaires. Des essais cliniques de plus grande ampleur, intégrant un suivi longitudinal rigoureux, des groupes témoins non-fumeurs, ainsi que des critères cliniques précis d’évaluation du sevrage devront être réalisés. Ces travaux seront essentiels pour valider le potentiel thérapeutique du NAC dans l’addiction à la nicotine et mieux définir les profils de patients les plus réceptifs à cette approche combinée.

À lire également : Le tabac et l’immunité



Source(s) :
Nasrun, M. W., et al. (2025). Efficacy of N-acetylcysteine and motivational enhancement therapy for nicotine addiction: A randomized clinical trial. Narra J, 5(1), e2178 ;

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