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16/07/2025

Peut-on lire la solitude dans les expressions du visage ?

Psychiatrie

Par Ana Espino | Publié le 16 juillet 2025|3 min de lecture


#TroublePsychotique #Cognition #TraitementEmotionnel



Les troubles psychotiques, notamment la schizophrénie, se caractérisent par des perturbations majeures de la cognition, de la régulation émotionnelle et du comportement social. Si les symptômes dits positifs, tels que les hallucinations et les idées délirantes, ainsi que les symptômes négatifs comme le repli sur soi ou l’apathie, sont bien décrits dans la littérature, les altérations du traitement émotionnel restent souvent reléguées au second plan. Pourtant, ces déficits influencent directement la qualité de vie des patients et compromettent leur capacité à interagir et à s’adapter socialement.


Cette carence dans la perception et la gestion des émotions représente un angle mort des approches thérapeutiques conventionnelles, qui tendent à cibler les manifestations psychiatriques sans prendre en compte les processus émotionnels sous-jacents au fonctionnement social. L’un des enjeux majeurs aujourd’hui consiste à mieux comprendre comment ces altérations émotionnelles interagissent avec les capacités relationnelles et les différents types de symptômes.


Dans ce contexte, cette étude a pour objectif d’évaluer, au sein d’une cohorte de patients souffrant de troubles psychotiques, le lien entre la reconnaissance des émotions faciales, les stratégies de régulation émotionnelle, le niveau de fonctionnement social et la sévérité symptomatique.  


Le visage des émotions prédit-il l’état social du patient ? 


Dans cette étude, 82 patients atteints de trouble psychotique ont été sélectionnés depuis une cohorte longitudinale néerlandaise. Les participants ont été évalués à l’aide de plusieurs outils standardisés à savoir : un test de reconnaissance faciale émotionnelle (FEEST), un questionnaire de régulation émotionnelle (CERQ), une échelle de fonctionnement social (SFS), et des mesures cliniques des symptômes (PANSS).


Les résultats révèlent que de faibles performances en reconnaissance émotionnelle faciale sont significativement associées à un fonctionnement social altéré, indépendamment du niveau des symptômes positifs ou négatifs. En revanche, la régulation cognitive des émotions ne montre pas de lien direct avec le fonctionnement social mais est corrélée à une intensité moindre des symptômes négatifs.


L’effet le plus robuste concerne l’émotion de colère. Les erreurs de reconnaissance de cette émotion sont fortement prédictives d’un isolement social accru. Ces résultats suggèrent que certains biais spécifiques dans le traitement des émotions, et non un déficit émotionnel global, peuvent être particulièrement délétères pour l’insertion sociale.
 


Émotions, symptômes, relations : un trio à reconsidérer


Les troubles psychotiques s’accompagnent fréquemment de ruptures profondes dans les relations sociales, compromettant l’inclusion et l’autonomie des patients. Comprendre le rôle des altérations du traitement émotionnel—et en particulier la reconnaissance des expressions faciales—dans ces difficultés relationnelles apparaît désormais comme un enjeu central. Cette étude apporte un éclairage important en montrant que les biais émotionnels, au-delà des seuls symptômes psychiatriques, impactent significativement le fonctionnement social.


Les résultats soulignent ainsi la pertinence d’intégrer l’évaluation des compétences émotionnelles dans les bilans cliniques de routine. Ces résultats ouvrent par ailleurs la voie à des interventions ciblées, centrées sur l’amélioration de la reconnaissance émotionnelle, comme les programmes de remédiation cognitive sociale. Ces approches complémentaires pourraient renforcer l’efficacité des traitements pharmacologiques et psychothérapeutiques existants, avec pour finalité une meilleure adaptation sociale et une amélioration tangible de la qualité de vie des personnes concernées.

À lire également : Nouvelles données sur le mécanisme d’action des antipsychotiques




À propos de l'auteure – Ana Espino
Docteure en immunologie, spécialisée en virologie

Rédactrice scientifique, Ana est animée par la volonté de relier la recherche à l’impact concret. Spécialiste en immunologie, virologie, oncologie et études cliniques, elle s’attache à rendre la science complexe claire et accessible. Sa mission : accélérer le partage des savoirs et favoriser des décisions éclairées grâce à une communication percutante.




Source(s) :
Murrihy, S., et al. (2025). Emotion Processing and Its Relationship to Social Functioning and Symptoms in Psychotic Disorder: A Systematic Review and Meta-analysis. Schizophrenia bulletin, 51(4), 1054–107 ;

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