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16/07/2025

Tuberculose et addictions : un trio fatal ?

Infectiologie

Par Ana Espino | Publié le 16 juillet 2025|3 min de lecture


#Tuberculose #Addiction #Immunité #Alcool #Tabagisme #Drogues



La tuberculose (TB), infection causée par Mycobacterium tuberculosis, demeure l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières à l’échelle mondiale. En 2023, elle a touché plus de 10 millions de personnes et entraîné environ 1,25 million de décès, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Malgré la disponibilité de traitements efficaces et bien codifiés, les taux d’échec thérapeutique et d’abandon restent préoccupants. Si les échecs thérapeutiques en tuberculose sont fréquemment attribués à la résistance bactérienne ou à un accès limité aux soins, ils trouvent aussi leur origine dans des facteurs comportementaux souvent sous-estimés. La consommation excessive d’alcool, le tabagisme et l’usage de drogues jouent un rôle déterminant mais encore trop peu intégré dans les stratégies de prise en charge.


Ces habitudes de vie sont associées à des mécanismes délétères à la fois biologiques et sociaux. Sur le plan physiopathologique, elles altèrent l’immunité innée et adaptative, compromettent la réponse aux traitements et favorisent la progression de l’infection. Sur le plan comportemental, elles contribuent à une mauvaise observance, des retards dans le diagnostic, une instabilité sociale et une moindre adhésion au suivi thérapeutique. Pourtant, ces facteurs restent sous-évalués dans la majorité des approches cliniques et des politiques de santé publique.


Dans ce contexte, cette étude a été initiée afin d’évaluer précisément l’impact des comportements à risque sur l’efficacité du traitement de la tuberculose afin d’éclairer les pratiques cliniques et les politiques de santé.



L’échec est-il programmé par l’addiction ?


Cette étude repose sur un large échantillon de 180 119 patients atteints de tuberculose, issus de 19 études observationnelles menées principalement dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Les participants, aux profils variés, incluaient des adultes de tout sexe, présentant des formes pulmonaires ou extrapulmonaires de la maladie, avec ou sans co-infection VIH, et souvent en situation de grande vulnérabilité sociale. Trois comportements à risque étaient évalués : la consommation d’alcool, le tabagisme et l’usage de substances psychoactives, mesurés par questionnaires, entretiens ou dossiers médicaux.


Les travaux mettent en évidence une association statistiquement significative entre la consommation d’alcool, le tabagisme et l’usage de substances illicites, et l’échec du traitement de la tuberculose. Plus précisément, la consommation d’alcool double presque le risque d’échec. Le tabac et les drogues illicites augmentent également ce risque de manière significative. Les analyses de sensibilité ont confirmé la solidité de ces résultats, avec une hétérogénéité modérée à faible et aucun biais de publication détecté. Sur le plan physiopathologique, les mécanismes impliqués incluent une altération de l’immunité innée, notamment un dysfonctionnement des macrophages et une perturbation de la clairance mucociliaire. Une observance réduite des traitements a également été observée, prolongeant la durée des cures, favorisant les formes résistantes et dégradant le pronostic global.



Soigner la tuberculose, c’est aussi traiter les habitudes de vie


La tuberculose constitue encore un enjeu de santé publique mondial en raison des nombreux facteurs qui compromettent l’efficacité de son traitement. Parmi les principaux défis figurent les comportements à risque modifiables tels que la consommation d’alcool, le tabagisme et l’usage de drogues, qui altèrent non seulement la réponse immunitaire, mais nuisent aussi à l’observance thérapeutique.


Dans ce contexte, l’objectif de cette étude était de quantifier l’impact précis de ces habitudes sur les résultats du traitement antituberculeux, afin de mieux orienter les stratégies cliniques et les politiques de santé. Les résultats révèlent une association claire entre ces comportements et un risque accru d’échec thérapeutique, soulignant la nécessité de les dépister et de les intégrer systématiquement dans la prise en charge des patients tuberculeux.


Toutefois, certaines limites doivent être considérées et justifient la poursuite des travaux. Les perspectives s’orientent alors vers le développement d’interventions ciblées, telles que des programmes de sevrage, un soutien psychologique renforcé, et l’inclusion systématique de ces facteurs comportementaux dans les protocoles cliniques. Un contrôle durable de la tuberculose exige une approche intégrative, capable d’allier efficacité biomédicale et prise en compte des déterminants comportementaux.
   

À lire également : MDR-TB : 9 mois pour tout changer ?




À propos de l'auteure – Ana Espino
Docteure en immunologie, spécialisée en virologie

Rédactrice scientifique, Ana est animée par la volonté de relier la recherche à l’impact concret. Spécialiste en immunologie, virologie, oncologie et études cliniques, elle s’attache à rendre la science complexe claire et accessible. Sa mission : accélérer le partage des savoirs et favoriser des décisions éclairées grâce à une communication percutante.





Source(s) :
Heshmati, B., et al. (2025). Impact of alcohol consumption, substance use, and smoking on treatment outcomes in tuberculosis: a systematic review and meta-analysis. Systematic reviews, 14(1), 139 ;

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