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17/07/2025

Température extérieure et hyponatrémie sévère : une menace croissante à l’ère du réchauffement climatique

Néphrologie

Par Lila Rouland | Publié le 17 juillet 2025|3 min de lecture


#Hyponatrémie##Santédesseniors#Réchauffementclimatique


Une étude de cohorte rétrospective menée à Stockholm révèle une association forte et directe entre les températures extérieures élevées et la survenue d’hyponatrémie sévère, définie par une concentration de sodium sérique inférieure à 125 mmol/L. Ces résultats, obtenus à partir de données robustes sur 14 ans, mettent en lumière des groupes vulnérables, les femmes et les personnes âgées et projettent une aggravation notable du fardeau de cette pathologie d’ici 2050, en raison du changement climatique et du vieillissement démographique


Quand la température grimpe, le sodium chute : comprendre l’impact climatique sur l’hyponatrémie sévère


L’objectif principal était d’évaluer comment les températures ambiantes influencent la prévalence de l’hyponatrémie sévère dans une population urbaine. L’étude visait également à modéliser cette relation pour l’année 2050 en tenant compte des prévisions climatiques et des changements démographiques attendus dans la région de Stockholm.


Du sodium au climat : une analyse croisée sur 14 ans et 1,6 million de Suédois


Les chercheurs ont utilisé la Stockholm Sodium Cohort (SSC), une base de données regroupant 1,6 million de personnes ayant subi des dosages du sodium entre 2005 et 2018. En total, 51 143 journées-personnes d’hyponatrémie sévère ont été enregistrées chez 21 924 adultes. L’étude a croisé les concentrations de sodium avec les températures journalières moyennes (par tranche de 1°C), obtenues via l’Institut météorologique suédois (SMHI), selon la municipalité de résidence.

Des sous-analyses ont été effectuées par sexe et tranches d’âge : 18–64 ans, 65–79 ans et ≥80 ans. Enfin, des modèles prédictifs ont estimé l’évolution des cas à l’horizon 2050 selon deux scénarios : hausse de température de 1°C ou 2°C et évolution démographique régionale. *


Hyponatrémie sévère : une escalade silencieuse au-dessus de 20°C


L’analyse a révélé une relation quasi linéaire entre température et hyponatrémie jusqu’à 20°C, au-delà de laquelle la prévalence augmente fortement :

  • À -10°C : 3,07 cas par million de jours-personnes.
  • À 20°C : forte inflexion de la courbe.
  • À 26°C : 12,89 cas par million de jours-personnes (intervalle de confiance 95 % : 10,20–16,29), soit une augmentation de plus de 300 %.  

L’analyse saisonnière indique que le mois de juillet est le plus critique avec 6,58 cas par million, contre 4,27 cas en février.


Femmes et seniors en première ligne : des taux d’hyponatrémie jusqu’à 8 fois plus élevés


L’étude montre que les femmes subissent un taux plus que double comparé aux hommes :


  • Femmes : de 3,74 cas/million à basse température à 16,39 cas/million aux températures les plus élevées.
  • Hommes : beaucoup moins touchés dans toutes les plages thermiques.

Concernant l’âge :

  • 18–64 ans : taux allant de 1,75 à 3,72 cas/million.
  • 65–79 ans : augmentation plus marquée.
  • ≥80 ans : de 17,75 cas/million à 137,14 cas/million à 25°C—une augmentation de près de 8 fois.

Projections pour 2050 : une augmentation alarmante de 66 % à 73 %


En tenant compte des prévisions du GIEC (+1°C à +2°C d’ici 2050) et de la structure démographique prévue :

  • Prévalence estimée en 2050 : 8,29 à 8,64 cas par million de jours-personnes.
  • Cela représente une hausse de 66 % à 73 % par rapport à la période de référence.
  • Sans croissance démographique, les hausses dues aux seuls changements de structure d’âge et de sexe seraient de 3 % à 6 %.

La proportion des personnes âgées de plus de 65 ans devrait augmenter de 73 % d’ici 2050 en Suède, avec un déclin parallèle des groupes plus jeunes, exacerbant ainsi la vulnérabilité globale.


Réviser les conseils face au risque d’hyponatrémie chez les personnes âgées


Les résultats de l’étude bousculent certaines idées reçues sur l’hydratation par temps chaud. Contrairement à l’hypothèse d’une perte excessive de sodium par la sueur, les auteurs pointent du doigt un mécanisme de rétention d’eau via une sécrétion inappropriée d’ADH (hormone antidiurétique), fréquente chez les personnes âgées.

Ces dernières cumulent plusieurs facteurs de vulnérabilité : comorbidités multiples, prise de diurétiques, et altérations physiologiques liées à l’âge. En période de canicule, les recommandations généralisées à boire abondamment pourraient ainsi devenir contre-productives, voire dangereuses pour certains profils. Une approche plus nuancée et ciblée s’impose dans les messages de santé publique.


Hyponatrémie sévère : la prochaine urgence climatique ? 


En établissant une corrélation claire, dose-dépendante et alarmante entre température ambiante et hyponatrémie sévère, l’étude sonne l’alerte. Les projections montrent un avenir proche où les épisodes de forte chaleur, combinés au vieillissement de la population, pourraient faire exploser le nombre de cas.

Cette évolution représente une menace directe pour les hôpitaux et services d’urgences, notamment pendant les étés. Pour limiter les dégâts, les auteurs appellent à une stratégie de prévention ciblée : dispositifs d’alerte canicule, éducation des patients fragiles, et adaptation des pratiques cliniques face à un électrolyte souvent négligé, mais fondamental.

À lire également : Corps résistant, cerveau hésitant : l'effet d'une hydratation négligée

   


À propos de l’auteure – Lila Rouland
Docteure en cancérologie, spécialisée en biotechnologies et marketing

Forte d’une double compétence scientifique et marketing, Lila met son expertise au service de l’innovation en santé. Après 5 années en recherche académique internationale, elle s’est tournée vers l’information médicale et scientifique en industrie pharmaceutique. Aujourd’hui rédactrice-conceptrice, elle s’attache à valoriser les savoirs scientifiques et à les transmettre avec clarté et pertinence aux professionnels de santé.




Source(s) :
Issa, I., Skov, J., Falhammar, H., Lindh, J.D., Mannheimer, B. (2025). The Association of Outdoor Temperature with Severe Hyponatremia. Journal of the American Society of Nephrology, 36:435–440. ;

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