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21/10/2025

Cancer du sein triple négatif : peut-on prédire la réponse à l’immunothérapie et la radiothérapie grâce à l’analyse spatiale et unicellulaire ?

Oncologie

Par Ana Espino | Publié le 21 octobre 2025 | 3 min de lecture


Le cancer du sein triple négatif (TNBC), dépourvu de récepteurs hormonaux et HER2, représente un sous-type agressif et hétérogène. L’immunothérapie par inhibiteurs de checkpoint (ICI), comme le pembrolizumab, a récemment montré un potentiel thérapeutique. Toutefois, seuls 20 % des patients métastatiques répondent à cette monothérapie, soulignant le besoin urgent de biomarqueurs prédictifs et de combinaisons thérapeutiques plus efficaces.


Un sous-type agressif à la recherche de nouvelles approches


Cette étude s’est fixée pour objectif de décortiquer les dynamiques spatiales et cellulaires de la réponse immunitaire au pembrolizumab et à la radiothérapie (RT) néoadjuvante. À travers une approche de profilage unicellulaire (scRNA-seq) et protéomique spatiale (CODEX) sur biopsies longitudinales, les auteurs ont identifié trois trajectoires distinctes de réponse chez les patientes atteintes de TNBC.


Quels chemins emprunte l’immunité face au TNBC ? Trois trajectoires révélées par une cartographie spatiale inédite


Design de l’étude


L’essai clinique (NCT03366844) a inclus 50 patientes TNBC nouvellement diagnostiquées. Le protocole comprenait deux cycles de pembrolizumab, le second étant combiné à une radiothérapie focale (24 Gy en 3 fractions), suivis d’un traitement standard (chimiothérapie, chirurgie). Les biopsies ont été effectuées avant traitement, après pembrolizumab seul, puis après la combinaison pembrolizumab + RT.
Sur les 34 patientes avec un suivi complet, 67 % ont répondu au traitement (pCR ou RCB score 0–1). Les données immunologiques ont révélé trois trajectoires :

R1 : Répondeuses précoces (pré-immunisées)


Ce groupe se distingue par :

  • Une forte infiltration lymphocytaire dès le départ (TIL élevés)
  • Des structures lymphoïdes tertiaires (TLS)
  • Une expression élevée de MHC I/II par les cellules tumorales
  • Une expansion rapide des CD8+ effecteurs après pembrolizumab

Ces patientes présentent un phénotype "inflamed" avec immunité préexistante, et répondent au pembrolizumab seul, sans bénéfice clair ajouté par la RT.


R2 : Répondeuses tardives (immunité induite par RT)


Initialement similaires aux non-répondeuses, ces tumeurs développent une forte réponse immunitaire uniquement après la combinaison pembrolizumab + RT :

  • Recrutement de macrophages présentateurs d’antigènes (sc-m11)
  • Expansion des CD8+ effecteurs (sc-t6)
  • Activation des dendritiques migratoires (sc-m7)
  • Augmentation de la proximité spatiale entre T cells, macrophages et cellules tumorales

Ce profil s’apparente à un phénotype "excluded", réfractaire à l’ICI seul, mais activé par la RT qui potentialise l’immunité antitumorale.


NR : Non-répondeuses (phénotype ignoré)


Ce groupe présente :

  • Une absence persistante d’infiltration immunitaire
  • Faible expression des gènes MHC
  • Peu ou pas d’évolution du microenvironnement tumoral post-traitement

Leur phénotype immunologiquement silencieux ("ignored") reste réfractaire à toutes les combinaisons testées.


À lire également : Triple coup dur, triple défi clinique


L’immunothérapie peut-elle être personnalisée selon le profil spatial tumoral ?


Cette étude démontre que le TNBC n’est pas univoque sur le plan immunitaire. Deux profils de réponse sont observables :

  • Un groupe pré-immunisé (R1), réactif à l’ICI seul
  • Un groupe "froide" activable (R2), qui bénéficie clairement de la RT en complément

En revanche, le groupe NR illustre l’existence d’une barrière biologique encore non surmontée. Ces données soulignent l’importance de stratégies de typage spatial et unicellulaire en amont du traitement pour adapter les combinaisons thérapeutiques.


Enfin, le modèle murin utilisé a confirmé le potentiel synergique de la RT et du pembrolizumab dans l’activation des CD8+ T différenciés et des macrophages MHC-II+, appuyant la transposition clinique de ces observations.
 
Perspectives : intégrer ces données pour stratifier les patientes et envisager une dé-escalade de chimiothérapie chez les R1 ou une intensification ciblée pour les R2. L’avenir réside dans la médecine immuno-spatiale personnalisée.




À propos de l'auteure – Ana Espino
Docteure en immunologie, spécialisée en virologie

Rédactrice scientifique, Ana est animée par la volonté de relier la recherche à l’impact concret. Spécialiste en immunologie, virologie, oncologie et études cliniques, elle s’attache à rendre la science complexe claire et accessible. Sa mission : accélérer le partage des savoirs et favoriser des décisions éclairées grâce à une communication percutante.



Source(s) :
Shiao, S.L., et al. (2024). Single-cell and spatial profiling of immune trajectories under anti-PD-1 and radiotherapy in triple-negative breast cancer. Cancer Cell, 42(1), 70–84. DOI : 10.1016/j.ccell.2023.11.004 ;

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