24/06/2025
Foie porcin et patient humain : alliance inédite et fonctionnelle
Chirurgie
La pénurie mondiale d'organes entrave l'accès aux greffes vitales, notamment pour les maladies hépatiques terminales. Dans une avancée médicale majeure, une équipe de chercheurs de l’hôpital Xijing (Chine) a réalisé une transplantation hépatique xénotique auxiliaire hétérotopique en implantant un foie de porc modifié génétiquement chez un patient en état de mort cérébrale.
L’objectif était d’évaluer la viabilité à court terme, la tolérance immunitaire croisée et la capacité fonctionnelle d’un foie porcin chez l’humain. Le greffon est resté fonctionnel pendant 10 jours, démontrant son potentiel comme traitement transitoire chez les patients en insuffisance hépatique aiguë.
Un donneur porcin conçu pour éviter le rejet
Le greffon provenait d’un porc miniature Bama, porteur de six modifications génétiques ciblées : suppression des gènes responsables du rejet hyperaigu (GGTA1, CMAH, B4GALNT2) et ajout de trois gènes humains (CD46, CD55, thrombomoduline) favorisant la tolérance du greffon. Ces modifications ont été confirmées par cytométrie en flux, Western blot et immunohistochimie. Le patient, sans comorbidité connue, ne présentait aucune trace de virus endogènes porcins (PERV, PCMV). Ce dernier présentait également de faibles niveaux préopératoires d’anticorps IgG et IgM, réduisant le risque de rejet immédiat.
Greffe auxiliaire : pari chirurgical audacieux
Les chirurgiens ont opté pour une approche hétérotopique auxiliaire, plaçant le foie porcin à l'extérieur du système hépatique natif. L’anastomose de la veine cave inférieure (VCI) et de la veine porte porcine au système vasculaire du receveur, ainsi que le drainage externe de la bile, ont permis un fonctionnement stable du greffon, sans compromettre le foie humain original.
Cette technique présente l’avantage d’être réversible, idéale pour un traitement relais en attendant une greffe humaine.
À lire également : Un pas de plus vers la xénotransplantation porc-homme
Un foie porcin qui produit bile et albumine
Le foie xénotransplanté a commencé à produire une bile dorée 2 heures après la reperfusion, atteignant 66,5 mL au dixième jour. L’albumine d’origine porcine, mesurée par dosage ELISA, augmentait progressivement.
Les enzymes hépatiques restaient stables : l’alanine aminotransférase (ALAT) était normale, tandis que l’aspartate aminotransférase (ASAT) augmentait transitoirement. Aucune élévation durable de la bilirubine n’a été observée sur le greffon lui-même, bien qu’un certain cholestase intra-hépatique ait été retrouvée dans le foie natif à J+10.
Stabilité hémodynamique et coagulation maîtrisée
L’évaluation par échographie Doppler a montré un flux sanguin adéquat dans les artères et veines du greffon, avec des vitesses compatibles avec une perfusion efficace. La fonction de coagulation a été surveillée : légère chute plaquettaire et allongement de l’APTT au début, tous deux corrigés en fin d’étude.
La thrombomoduline humaine insérée dans le greffon pourrait expliquer cette régulation efficace. Aucun œdème des membres inférieurs n’a été observé, signe d’un retour veineux préservé.
Régénération tissulaire sans rejet immunologique
Les analyses histologiques ont révélé une absence de rejet du foie porcin. Une légère congestion sinusoïdale a été observée en péri-opératoire, sans signe d’inflammation chronique. À J+10, les marqueurs de régénération tissulaire étaient nettement augmentés :
- Ki67, indicateur de prolifération hépatocytaire, montrait une augmentation de 2,5 fois par rapport à J0 ;
- CD31, marqueur de la repopulation des cellules endothéliales sinusoïdales, présentait un signal accru de 60 % ;
- α-SMA, témoin de l’activation des cellules stellaires, affichait une réduction de 50 %.
La microscopie électronique a confirmé l’intégrité structurelle des cellules hépatiques porcines, sans présence de particules virales, et une microcirculation intacte dans les sinusoïdes, avec des fenestrations bien différenciées au niveau des cellules endothéliales.
À lire également : Transplantation et Cancer : le duo sauveur ?
Réponse immunitaire maîtrisée : suppression T et modulation B efficace
Le protocole immunosuppresseur comprenait tacrolimus, mycophénolate mofétil, méthylprednisolone, ainsi que des agents ciblés (étanercept, rituximab). Les lymphocytes T ont été ont été inhibés de plus de 70 % dès les premières 48 heures à J+3, a été efficacement contenue par le rituximab, dont l’effet s’est manifesté par une baisse de plus de 60 % de la population B à J+5.
Les cytokines pro-inflammatoires sont restées faibles (IL-6 < 100 pg/mL, TNF < 500 fmol/mL, IFNγ < 20 pg/mL). Les dépôts d’IgG/IgM dans le greffon étaient modérés, sans activation significative du complément (C3d, C4d, C5b-9), signe d’une réaction immunitaire bien contrôlée.
Vers une greffe relais temporaire ?
Cette étude démontre qu’un foie porcin modifié peut survivre et fonctionner chez l’homme, au moins à court terme, sans rejet hyperaigu. Le modèle auxiliaire s’avère prometteur comme solution temporaire pour les patients en attente de greffe hépatique humaine. Néanmoins, les volumes produits de bile et d’albumine restent insuffisants pour un soutien à long terme. L’étude s’est arrêtée à 10 jours, sur demande des proches, ce qui limite l’évaluation prolongée. Les résultats appellent à des recherches sur des greffes orthotopiques et à la conception de xénogreffes plus performantes à long terme.
À lire également : Alcool et métabolisme, duo fatal pour votre foie !
Source(s) :
Tao KS, et al. Gene-modified pig-to-human liver xenotransplantation. Nature. 2025;641:1029–1036. ;

Dernières revues
Foie porcin et patient humain : alliance inédite et fonctionnelle

#Xénogreffe #TransplantationFoie #FoiePorcinGénétiquementModifié
Ferroptose : activer le fer pour vaincre les cancers résistants ?

#Ferroptose #CancerRésistant #FerLysosomal #CD44 #Pancréas #Sarcome...