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15/09/2025

Lymphome & cœur : une dette à long terme ?

Cardiologie et Médecine Vasculaire Oncologie

Par Ana Espino | Publié le 15 septembre 2025| 3 min de lecture


#Lymphome #Cardiotoxicité #Cardiologie



Les lymphomes, bien que largement curables grâce aux progrès des traitements, exposent les patients à un risque important de toxicité cardiaque tardive, en particulier après l’administration d’anthracyclines et de radiothérapie médiastinale. Ces effets secondaires peuvent survenir plusieurs années après la rémission, impactant durablement la qualité de vie et la morbidité cardiovasculaire des survivants.


Si le rôle cardiotoxique de ces traitements est bien connu, les relations dose-réponse précises restent mal définies, notamment en ce qui concerne les seuils de sécurité, les effets combinés, et les différences entre les types de complications cardiaques (insuffisance cardiaque, cardiopathie ischémique, valvulopathie). De plus, les études disponibles présentent une hétérogénéité importante des méthodologies, des populations et des techniques d’évaluation, limitant la transposabilité des données à la pratique clinique actuelle. Dans ce contexte, cette étude a été initiée de sorte à quantifier le risque cardiovasculaire tardif en fonction des doses cumulées d’anthracyclines et de radiothérapie.


Quelle dose pour quel risque cardiaque ?


Six études ont été sélectionnées, totalisant 22 916 patients traités pour un lymphome entre 1965 et 2004. Ces travaux rapportaient à la fois les doses cardiaques effectivement reçues et l’incidence des principales toxicités cardiovasculaires observées à long terme. L’analyse a permis d’estimer, pour chaque traitement et chaque type d’événement cardiaque, l’excès de risque relatif (ERR) en fonction de la dose, selon une modélisation statistique continue.


Concernant les anthracyclines, un ERR de +92 % par 100 mg/m² a été observé pour l’insuffisance cardiaque congestive (ICC), aucun effet significatif n’a été noté pour la cardiopathie ischémique (IHD), tandis que l’ERR pour les valvulopathies (VHD) atteignait +25 % par 100 mg/m². Du côté de la radiothérapie, chaque Gy de dose moyenne au cœur était associé à une augmentation de +6,1 % pour l’ICC, +4,4 % pour l’IHD et +10 % pour la VHD.
Les modèles de régression linéaire sans seuil indiquent l’absence de dose minimale sûre, suggérant que même de faibles expositions peuvent induire un risque cardiaque mesurable, particulièrement en cas de traitements combinés. Ces données permettent de construire un profil de risque cumulé individualisé, utile pour orienter les choix thérapeutiques et le suivi cardiologique personnalisé.


Vers une cardio-oncologie de précision


Les lymphomes bénéficient aujourd’hui de traitements curatifs efficaces. Toutefois, ces traitements exposent les patients à des complications cardiovasculaires tardives, en particulier après anthracyclines et radiothérapie médiastinale. Le principal défi consiste à maintenir une efficacité oncologique optimale tout en prévenant les toxicités cardiaques à long terme, dont les mécanismes et les seuils de survenue restent encore mal cernés.


Dans ce contexte, cette étude visait à quantifier le risque cardiovasculaire tardif (insuffisance cardiaque congestive, cardiopathie ischémique, valvulopathie) en fonction des doses cumulées de chimiothérapie et de radiothérapie, à partir d’une analyse de régression dose-réponse basée sur la littérature. Les résultats mettent en évidence des effets cardiaques additifs et linéaires des deux agents, sans seuil de sécurité identifiable, remettant en question l’usage de valeurs limites fixes. Ces données appellent à une approche individualisée du risque cardiovasculaire, prenant en compte la dose cumulée réelle et la combinaison des traitements.


Des travaux supplémentaires incluent le développement de modèles prédictifs personnalisés, intégrant les doses effectivement délivrées, les caractéristiques cliniques des patients (âge, sexe, facteurs de risque) et les données de suivi à long terme, afin d’optimiser les stratégies thérapeutiques et le suivi cardio-oncologique des survivants de lymphome.

À lire également : Les maladies cardiovasculaires : 1ère cause de mortalité féminine en France




À propos de l'auteure – Ana Espino
Docteure en immunologie, spécialisée en virologie

Rédactrice scientifique, Ana est animée par la volonté de relier la recherche à l’impact concret. Spécialiste en immunologie, virologie, oncologie et études cliniques, elle s’attache à rendre la science complexe claire et accessible. Sa mission : accélérer le partage des savoirs et favoriser des décisions éclairées grâce à une communication percutante.




Source(s) :
Nygård, L., et al. (2025). Late Cardiac Toxicity After Anthracyclines and Radiotherapy for Lymphoma-A Regression Analysis of Dose-Response. Hematological oncology, 43(5), e70134 ;

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