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Les mécanismes physiopathologiques de la polyarthrite rhumatoïde résultent d’une interaction complexe entre facteurs génétiques et environnementaux. A l’instar d’autres maladies systémiques inflammatoires chroniques auto-immunes, l’étude du microbiote digestif dans la pathogénèse de la polyarthrite rhumatoïde chez des patients prédisposés suscite un intérêt clinique particulier. En effet, la dysbiose intestinale pourrait intervenir via plusieurs mécanismes : présentation de peptides citrullinés, mimétisme antigénique, activation des cellules présentatrices d’antigènes et cellules T, et potentielle altération de l’intégrité épithéliale de la muqueuse intestinale.
La fonction essentielle de la barrière épithéliale intestinale est de prévenir la translocation bactérienne et d’autres pathogènes, tout en permettant l’absorption sélective des nutriments. La barrière intestinale est maintenue à la fois par les jonctions adhérentes et jonctions serrées entre les cellules épithéliales, régulant la perméabilité paracellulaire.
Une récente étude pré-clinique menée par des chercheurs de l’University College London suggère qu’il existe, associés à la polyarthrite rhumatoïde, une atteinte de la muqueuse intestinale avec perte d’intégrité de la barrière muqueuse épithéliale, ainsi qu’une altération du homing intestinal leucocytaire ; et que la correction de l’une ou l’autre de ces dysfonctions peut diminuer la sévérité de l’atteinte articulaire inflammatoire.
Les points marquants de cette étude sont les suivants :
-          Les taux sériques des marqueurs de perméabilité intestinale sont augmentés chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde : il est mis en évidence une augmentation des taux sériques de lipopolysaccharides (LPS), de protéines de liaison aux LPS (LBP) et de protéines de liaisons aux acides gras intestinaux (I-FABP), tous marqueurs d’altération et de perméabilité intestinales; ainsi qu’une augmentation systémique de homing-marqueurs leucocytaires CCR9 et LPAM-1, chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde en comparaison aux individus sains. Les taux de LBP sont par ailleurs significativement augmentés en cas d’activité de la polyarthrite rhumatoïde, et corrélés à la sévérité de la maladie, alors que la perte de l’intégrité de la muqueuse intestinale est partiellement corrigée chez les patients traités par Etanercet (anti-TNFα).
-          La perméabilité de la muqueuse intestinale et l’inflammation locale sont majorées dans les modèles murins de polyarthrite rhumatoïde : dans des modèles expérimentaux, les souris avec arthrite présentent une perméabilité intestinale accrue dès les premiers stades de la maladie, ainsi qu'une translocation bactérienne, des lésions intestinales inflammatoires, une augmentation des taux d'interféron gamma (IFN-γ), une diminution de l’infiltration de leucocytes secréteurs de l’interleukine-10 (IL-10), et une réduction de l’expression des récepteurs à l'IL-10 dans la muqueuse intestinale. Or nous savons qu’à l’équilibre, l’expression de l’IL-10 neutralise la production de cytokines pro-inflammatoires et favorise l’intégrité de la barrière épithéliale intestinale. Par ailleurs, les souris KO pour la claudine-8 (protéine formant les jonctions serrées épithéliales) ont une perméabilité intestinale constitutivement augmentée mais aussi une pathologie inflammatoire articulaire plus sévère.
-          L’augmentation de la perméabilité intestinale est favorisée à la fois par les bactéries à tropisme intestinal et par les cellules inflammatoires : L’exposition des organoïdes intestinaux à l’IFN-γ réduit l’expression du récepteur à l’IL-10, à l’origine d’une augmentation de la perméabilité intestinale et d’une exacerbation des poussées inflammatoires articulaires.
 
-          La prévention de la dysfonction de la barrière muqueuse intestinale améliore l’inflammation articulaire : les souris traitées par AT-1001, une molécule régulatrice des jonctions serrées et donc de la perméabilité de la barrière muqueuse intestinale, aussi appelé larazotide acetate, améliore l’arthrite. Une autre conséquence thérapeutique de l’AT-1001 est la réduction du nombre de cellules LPAM-1+, CCR9+ et CD45+ intra-spléniques chez les souris avec arthrite en comparaison avec les souris non traitées. Le larazotide acetate est actuellement en phase 3 d’un essai clinique pour le traitement de la maladie coeliaque.  
Toutes ces données suggèrent que l’inflammation locale infraclinique intestinale et l’augmentation de la perméabilité de la barrière muqueuse digestive sont liées à l’arthrite induite dans des modèles murins et diminuent avec la rémission de la pathologie inflammatoire articulaire. Ces atteintes intestinales seraient favorisées par une dysbiose intestinale et une perte de tolérance immune périphérique ; résultant en une réponse immune adaptative, une inflammation systémique et atteinte articulaire inflammatoire. Enfin, la restauration de l’homéostasie intestinale via la modulation de la perméabilité intestinale ou la prévention de la recirculation des leucocytes pourrait s’inscrire dans une nouvelle approche thérapeutique de la polyarthrite rhumatoïde.

Source(s) :
Med (N Y), publié le 09/07/2021 ;

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