21/08/2025
Reprogrammation épigénomique cellulaire : clés de la progression d’Alzheimer et de la résilience cognitive
Neurologie
Par Lila Rouland | Publié le 21 août 2025 | 2 min de lecture
#Alzheimer #RésilienceCognitive
La maladie d’Alzheimer (MA) demeure la première cause de démence, caractérisée par une perte de mémoire progressive et une dégénérescence neuronale. Si l’accumulation des plaques amyloïdes et des enchevêtrements de protéines tau est bien connue, les mécanismes épigénétiques à l’origine de la vulnérabilité et de la résilience neuronales restent encore mal compris.
Dans cette étude de référence, les chercheurs ont créé un atlas multiomique à cellule unique de 3,5 millions de cellules issues de 384 échantillons cérébraux post-mortem, couvrant six régions cérébrales de 111 individus atteints ou non de MA.
Le travail intègre des données de snATAC-seq, RNA-seq et multiome, permettant de cartographier plus d’un million d’éléments régulateurs cis (cCREs) et 123 modules régulateurs répartis sur 67 sous-types cellulaires. Cet ensemble inédit révèle comment l’instabilité épigénomique, la perturbation des compartiments nucléaires et la dérégulation transcriptionnelle alimentent la progression de la MA, tandis que la stabilité préservée soutient la résilience cognitive.
L’étude s’est concentrée sur six régions clés : le cortex entorhinal (EC), l’hippocampe (HC), le cortex préfrontal (PFC), le cortex temporal moyen (MTC), le gyrus angulaire (AG) et le thalamus (TH). Ces zones représentent des régions précocement et tardivement vulnérables dans la progression de la MA.
Les cellules ont été classées de manière hiérarchique en sept classes (neurones excitateurs, neurones inhibiteurs, oligodendrocytes, astrocytes, microglies, cellules progénitrices oligodendrocytaires [OPCs] et cellules vasculaires), puis subdivisées en 67 sous-types.
L’analyse de l’accessibilité de la chromatine, des motifs de facteurs de transcription (TF) et des modules cCRE a mis en évidence des réseaux régulateurs spécifiques selon la région et le type cellulaire.
Fait essentiel, la compartimentation génomique à l’échelle du génome a été étudiée. Dans un cerveau sain, la chromatine alterne entre compartiments actifs (riches en gènes, accessibles) et répressifs (silencieux, associés à la lamina nucléaire). Dans la MA, un remaniement généralisé est observé : la chromatine répressive devient active, et inversement, surtout dans l’EC et l’HC.
1. Relaxation épigénomique généralisée
Les échantillons de MA avancée montrent une activation globale de la chromatine répressive (ex. chr18) et une répression de chromosomes normalement actifs (ex. chr19). Cela traduit une perte de fidélité des compartiments nucléaires et une altération de la précision transcriptionnelle.
2. Perte d’information épigénomique
Les analyses unicellulaires révèlent une réduction généralisée de l’information épigénomique dans toutes les classes cellulaires, particulièrement chez les glies (oligodendrocytes, OPCs, microglies) et les neurones excitateurs vulnérables de l’EC et de l’HC. Les neurones excitateurs des couches superficielles du néocortex et les neurones inhibiteurs SST présentent aussi une forte érosion.
3. Activation gliale suivie d’un épuisement
Les cellules gliales gagnent initialement en identité épigénomique lors de leur activation. Mais sous un stress prolongé, elles perdent leur stabilité et entrent dans des états d’épuisement. Les microglies et astrocytes activés montrent une chute marquée d’information épigénomique, particulièrement chez les porteurs du variant APOE4.
4. Résilience cognitive et préservation épigénomique
Contrairement aux profils pathologiques, les individus dits résilients cognitivement (capables de maintenir leurs fonctions malgré les lésions) présentent une information épigénomique plus élevée dans l’ensemble du cerveau. Les neurones vulnérables conservent leur stabilité et les glies activées évitent l’épuisement. Cela suggère que le maintien de l’intégrité épigénomique sous-tend la résilience.
Les cellules stables protègent la chromatine et le noyau (ASTN2, RORA, VCAN), tandis que les cellules en érosion activent stress et inflammation (APOE, CST3, VIM). Les complexes Polycomb jouent le rôle de gardiens épigénomiques.
En pratique : renforcer la structure nucléaire, maintenir l’hétérochromatine ou cibler les régulateurs de la chromatine pourrait protéger les neurones et préserver la cognition. Une piste prometteuse pour des interventions épigénétiques personnalisées contre Alzheimer.
À propos de l'auteure – Ana Espino
Docteure en immunologie, spécialisée en virologie
Rédactrice scientifique, Ana est animée par la volonté de relier la recherche à l’impact concret. Spécialiste en immunologie, virologie, oncologie et études cliniques, elle s’attache à rendre la science complexe claire et accessible. Sa mission : accélérer le partage des savoirs et favoriser des décisions éclairées grâce à une communication percutante.
#Alzheimer #RésilienceCognitive
La maladie d’Alzheimer (MA) demeure la première cause de démence, caractérisée par une perte de mémoire progressive et une dégénérescence neuronale. Si l’accumulation des plaques amyloïdes et des enchevêtrements de protéines tau est bien connue, les mécanismes épigénétiques à l’origine de la vulnérabilité et de la résilience neuronales restent encore mal compris.
Dans cette étude de référence, les chercheurs ont créé un atlas multiomique à cellule unique de 3,5 millions de cellules issues de 384 échantillons cérébraux post-mortem, couvrant six régions cérébrales de 111 individus atteints ou non de MA.
Le travail intègre des données de snATAC-seq, RNA-seq et multiome, permettant de cartographier plus d’un million d’éléments régulateurs cis (cCREs) et 123 modules régulateurs répartis sur 67 sous-types cellulaires. Cet ensemble inédit révèle comment l’instabilité épigénomique, la perturbation des compartiments nucléaires et la dérégulation transcriptionnelle alimentent la progression de la MA, tandis que la stabilité préservée soutient la résilience cognitive.
Cartographier l’épigénome cérébral : une exploration région par région
L’étude s’est concentrée sur six régions clés : le cortex entorhinal (EC), l’hippocampe (HC), le cortex préfrontal (PFC), le cortex temporal moyen (MTC), le gyrus angulaire (AG) et le thalamus (TH). Ces zones représentent des régions précocement et tardivement vulnérables dans la progression de la MA.
Les cellules ont été classées de manière hiérarchique en sept classes (neurones excitateurs, neurones inhibiteurs, oligodendrocytes, astrocytes, microglies, cellules progénitrices oligodendrocytaires [OPCs] et cellules vasculaires), puis subdivisées en 67 sous-types.
L’analyse de l’accessibilité de la chromatine, des motifs de facteurs de transcription (TF) et des modules cCRE a mis en évidence des réseaux régulateurs spécifiques selon la région et le type cellulaire.
Fait essentiel, la compartimentation génomique à l’échelle du génome a été étudiée. Dans un cerveau sain, la chromatine alterne entre compartiments actifs (riches en gènes, accessibles) et répressifs (silencieux, associés à la lamina nucléaire). Dans la MA, un remaniement généralisé est observé : la chromatine répressive devient active, et inversement, surtout dans l’EC et l’HC.
Érosion épigénomique : corrélation avec le déclin cognitif
1. Relaxation épigénomique généralisée
Les échantillons de MA avancée montrent une activation globale de la chromatine répressive (ex. chr18) et une répression de chromosomes normalement actifs (ex. chr19). Cela traduit une perte de fidélité des compartiments nucléaires et une altération de la précision transcriptionnelle.
2. Perte d’information épigénomique
Les analyses unicellulaires révèlent une réduction généralisée de l’information épigénomique dans toutes les classes cellulaires, particulièrement chez les glies (oligodendrocytes, OPCs, microglies) et les neurones excitateurs vulnérables de l’EC et de l’HC. Les neurones excitateurs des couches superficielles du néocortex et les neurones inhibiteurs SST présentent aussi une forte érosion.
3. Activation gliale suivie d’un épuisement
Les cellules gliales gagnent initialement en identité épigénomique lors de leur activation. Mais sous un stress prolongé, elles perdent leur stabilité et entrent dans des états d’épuisement. Les microglies et astrocytes activés montrent une chute marquée d’information épigénomique, particulièrement chez les porteurs du variant APOE4.
4. Résilience cognitive et préservation épigénomique
Contrairement aux profils pathologiques, les individus dits résilients cognitivement (capables de maintenir leurs fonctions malgré les lésions) présentent une information épigénomique plus élevée dans l’ensemble du cerveau. Les neurones vulnérables conservent leur stabilité et les glies activées évitent l’épuisement. Cela suggère que le maintien de l’intégrité épigénomique sous-tend la résilience.
Réseaux régulateurs : de la stabilité à la dysfonction
Les cellules stables protègent la chromatine et le noyau (ASTN2, RORA, VCAN), tandis que les cellules en érosion activent stress et inflammation (APOE, CST3, VIM). Les complexes Polycomb jouent le rôle de gardiens épigénomiques.
En pratique : renforcer la structure nucléaire, maintenir l’hétérochromatine ou cibler les régulateurs de la chromatine pourrait protéger les neurones et préserver la cognition. Une piste prometteuse pour des interventions épigénétiques personnalisées contre Alzheimer.
À lire également : Humeur, mémoire, inflammation : et si tout se jouait dans l’assiette ?
À propos de l'auteure – Ana Espino
Docteure en immunologie, spécialisée en virologie

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