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05/05/2022

Toxines urémiques et mortalité cardiovasculaire dans l’insuffisance rénale chronique d’origine diabétique

Cardiologie et Médecine vasculaire Endocrinologie et métabolisme Urologie-néphrologie

Les maladies cardio-vasculaires sont indéniablement une cause majeure de morbi-mortalité chez le patient présentant une maladie rénale chronique (MRC) a fortiori d’origine diabétique. Néanmoins, à eux-seuls, les facteurs de risque cardio-vasculaires traditionnels ne suffisent pas à expliquer la physiopathologie et ce surrisque. Si l’accumulation de certaines toxines urémiques, en particulier la trimethylamine-N-oxide (TMAO), l’asymetric dimethyl arginine (ADMA) et la symetric dimethylarginine (SDMA), a été associée aux évènements cardio-vasculaires en cas d’insuffisance rénale terminale au stade de suppléance rénale, les données sont en revanche limitées chez le patient diabétique avec insuffisance rénale chronique au stade moins avancé. La SDMA et l'ADMA proviennent du métabolisme protéique. La TMAO est issu de dérivés métaboliques via le microbiote intestinal de composés ayant une structure d'ammonium quaternaire, tels la choline ou L-carnitine. SDMA, ADMA et TMAO sont éliminées par voie rénale. Ces toxines spécifiques pourraient-elles constituer de nouveaux biomarqueurs pronostiques dans la population insuffisante rénale chronique diabétique?

Une étude de sous-cohorte aléatoire issue de l’étude de cohorte prospective REGARDS (REasons for Geographic And Racial Differences in Stroke) réalisée entre 2003 et 2007, a inclus 555 patients de plus de 45 ans, diabétiques et présentant une MRC au moins modérée (DFGe basal < 60 ml/min/1,73m2). Ces patients avaient bénéficié de dosages exploitables des concentrations plasmatiques et urinaires d’ADMA, SDMA et TMAO (chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse), de sorte à déterminer les ratios des concentrations urine/plasma (U/P) pour chaque toxine urémique. Le critère de jugement principal était la mortalité de cause cardio-vasculaire associée à ces dosages; tandis que la mortalité toute cause et l’initiation de l’épuration extra-rénale constituaient les critères de jugement secondaires. Les résultats ont fait l’objet d’une publication dans l’American Journal of Kidney Diseases.

L'âge moyen des 555 patients inclus était de 70 ans, 53 % étaient des femmes. Le DFGe moyen à l’inclusion était de 44 +/-12 ml/min/1,73 m2. Le ratio médian albuminurie/créatininurie était de 32 mg/g (11 - 203). Quatre-vingt-huit pour cent des patients étaient hypertendus, 42% avaient des antécédents de coronaropathie et 16% d’accidents vasculaires cérébraux. Les concentrations plasmatiques des trois toxines urémiques étaient inversement et modérément corrélées au DFGe, ce d’autant pour la SDMA. Les décès d'origine cardio-vasculaire, la mortalité globale et la mise en dialyse sont survenus chez 120 (taux moyen 3,31% par an), 285 (taux moyen 7,67% par an) et 89 patients, au cours d'un suivi moyen de 6,2 années. Des concentrations plasmatiques plus élevées d'ADMA ont été associées à la mortalité CV dans le modèle multivarié (RR 20%). Des ratios U/P plus faibles d'ADMA, de SDMA et de TMAO étaient indépendamment associés à la mortalité cardio-vasculaire. Le risque était majoré de 38 % pour un ratio U/P de TMAO deux fois plus faible, et majoré de 69 % pour le ratio U/P de SDMA. Ni les concentrations urinaires ni l'excrétion fractionnelle de l'ADMA, de la SDMA et du TMAO n'ont été significativement associées à la mortalité CV. Concernant les critères secondaires de jugement, des concentrations plasmatiques plus élevées (HR 1,1-2,8) et des rapports U/P plus faibles (HR 1,3-2,3) de ces trois solutés étaient associés à la mortalité toutes causes confondues. Une concentration plasmatique plus élevée de SDMA était associée à l’initiation de la dialyse (HR 1,2-3,0).

Au total, des concentrations plasmatiques plus élevées et des ratio U/P plus faibles des toxines urémiques étudiées étaient indépendamment associés à la mortalité cardio-vasculaire et mortalité toute cause dans cette population présentant une MRC d’origine diabétique. Ces associations entre ratio U/P et mortalité suggèrent alors un lien entre la clairance rénale des toxines urémiques (diminution du DFG, tubulopathie éventuelle ?) et la pathogenèse des maladies cardio-vasculaires. Les auteurs évoquent les mécanismes physiopathologiques potentiels cardio-vasculaires de chaque toxine, par exemple l’inhibition de l'oxyde nitrique synthase par l’ADMA, contribuant ainsi à la vasoconstriction, l'hypertension et l'ischémie, ainsi que l'inflammation, le stress oxydatif et l'altération du métabolisme lipidique des macrophages. L’utilité de ces biomarqueurs en pratique clinique de routine justifie une validation dans des études ultérieures. 

Source(s) :
Sapa H, et al. Association of Uremic Solutes With Cardiovascular Death in Diabetic Kidney Disease. Am J Kidney Dis. 2022 Mar 26:S0272-6386(22)00577-7. ;

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