10/12/2025
Cabotegravir et grossesse : duo gagnant ou pari risqué ?
Gynécologie et Obstétrique Infectiologie
Le VIH reste une crise sanitaire mondiale majeure, affectant 39 millions de personnes en 2022. La prophylaxie pré-exposition (PrEP), principalement orale, réduit efficacement la transmission du virus. Toutefois, son efficacité est largement tributaire de l’observance quotidienne, souvent insuffisante dans les pays à forte prévalence.
Parmi les nouvelles approches, le cabotegravir, un inhibiteur de l'intégrase administré par injection intramusculaire toutes les 8 semaines, se distingue par une meilleure observance. Il est prometteur en tant qu'alternative durable à la PrEP orale.
Cependant, les limites des données de sécurité pendant la grossesse freinent son usage chez les femmes en âge de procréer. En effet, la plupart des essais excluent les femmes enceintes, créant un vide de données crucial. Dans ce contexte, cette étude a été initiée de sorte à évaluer l’innocuité et la sécurité du cabotegravir chez la femme enceinte, incluant les effets sur la mère et le fœtus.
Bébé à bord : que révèle la science sur le cabotegravir ?
L’étude repose sur une revue systématique accompagnée d’une méta-analyse, menée selon les recommandations PRISMA. Les auteurs ont interrogé sept bases de données, couvrant la période de 2016 à 2023. Les critères d’inclusion concernaient les études portant sur des femmes enceintes exposées au cabotegravir, avec ou sans rilpivirine. Au total, six études ont été retenues, incluant cinq essais cliniques randomisés et une étude en usage compassionnel.
Au sein de ces travaux, 41 grossesses ont été recensées chez des femmes exposées au cabotegravir. Vingt-cinq ont abouti à des naissances vivantes, huit à des avortements (spontanés ou provoqués), tandis que huit cas ne disposaient pas de données de suivi. Aucun cas de malformation congénitale ou d’effet indésirable fœtal n’a été rapporté. Sur le plan maternel, quelques effets secondaires ont été documentés, notamment des cas de pré-éclampsie, d’hyperémèse gravidique et de rupture prématurée des membranes.
La méta-analyse, reposant sur deux études, n’a montré aucune différence statistiquement significative entre le cabotegravir et les traitements comparateurs en ce qui concerne le taux de naissances vivantes.
Cabotegravir enceinte : feu vert, orange ou rouge ?
Le VIH reste un enjeu de santé publique mondial. Dans ce contexte, de nombreuses thérapies émergent distinctement dans son traitement. Par exemple, le cabotegravir se distingue par sa longue demi-vie et son mode d’administration injecté toutes les huit semaines. Il constitue donc une option prometteuse pour améliorer l’observance à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et renforcer la prévention de l’infection.
Cependant, son utilisation chez les femmes enceintes reste limitée en raison du manque de données fiables concernant son innocuité. L’exclusion quasi systématique des femmes enceintes des essais cliniques entraîne une sous-représentation préoccupante dans les données de sécurité disponibles, qui empêche actuellement de formuler des recommandations claires pour cette population.
L’objectif de l’étude était donc de mieux comprendre le profil de sécurité du cabotegravir pendant la grossesse, afin d’éclairer les futures recommandations cliniques. Les résultats suggèrent l’absence d’effet indésirable majeur associé à l’utilisation du cabotegravir durant la grossesse. Toutefois, les données restent trop limitées pour conclure avec certitude sur son innocuité dans ce contexte.
Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour assurer un suivi à long terme des femmes enceintes exposées au cabotegravir, notamment grâce à des registres comme l’Antiretroviral Pregnancy Registry. Plusieurs essais cliniques sont déjà en cours, dont l’extension de l’étude HPTN084 et les recherches menées par le réseau IMPAACT. Il sera également indispensable de disposer de données pharmacocinétiques spécifiques à la grossesse afin d’adapter les doses de manière appropriée dans cette population.
À lire également : Hépatite B & grossesse : alerte silencieuse ?
À propos de l'auteure – Ana Espino
Docteure en immunologie, spécialisée en virologie
Dernières revues
Cabotegravir et grossesse : duo gagnant ou pari risqué ?
Par Ana Espino | Publié le 10 décembre 2025 | 3 min de lecture<br>
Le cacao peut-il préserver la mémoire chez les seniors ?
Par Lila Rouland | Publié le 9 décembre 2025 | 3 min de lecture<br>
Turner et auto-immunité : une association sous-estimée ?
Par Ana Espino | Publié le 8 décembre 2025 | 3 min de lecture...