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29/07/2025

HBV : Immunité en veille ou en réveil ?

Infectiologie

Par Ana Espino | Publié le 29 juillet 2025| 3 min de lecture


#HépatiteB #Immunité #Infectiologie



L’hépatite B chronique (CHB) demeure un problème majeur de santé publique, affectant plus de 296 millions de personnes dans le monde. Malgré la mise en place de campagnes de vaccination efficaces, le virus de l’hépatite B (HBV) reste responsable de lourdes complications hépatiques, notamment la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire.


Le traitement actuel repose sur deux approches principales : l’interféron pégylé (PEG-IFN-α) et les analogues nucléos(t)idiques (NUC). Si ces agents permettent de contrôler la charge virale et de stabiliser la maladie, ils n’aboutissent à une guérison fonctionnelle que dans moins de 1 % des cas par an. Cette faible efficacité s’explique en grande partie par leur incapacité à restaurer une réponse immunitaire antivirale complète et durable. En effet, de nombreuses cellules clés du système immunitaire, notamment les cellules dendritiques (DC), les monocytes, les cellules NK, ainsi que les lymphocytes T dits non conventionnels présentent des altérations phénotypiques et fonctionnelles profondes chez les patients porteurs chroniques du virus.


Ces dysfonctions immunitaires constituent un obstacle majeur à l’obtention d’une réponse virologique durable et d’une élimination virale complète. Elles traduisent l’état de tolérance induit par le virus et la difficulté à relancer une réponse immunitaire efficace malgré le traitement. Cette revue explore comment les traitements antiviraux modifient le fonctionnement des cellules immunitaires altérées dans l’hépatite B chronique. En analysant les effets des NUC, du PEG-IFN-α et des nouveaux immunomodulateurs, l’objectif est d’identifier des cibles immunitaires clés pour développer de futures stratégies combinées plus efficaces.


Traitement antiviral : reboot réussi du système immunitaire ?


Cette revue analyse les résultats de multiples essais cliniques sur les effets du PEG-IFN-α, de différents NUCs (entécavir, TDF, LDT…) et de nouveaux agents comme les agonistes TLR (e.g., selgantolimod), sur la fonction des cellules immunitaires innées et T non conventionnelles.

Les travaux démontrent tout d’abord que les DC sont fortement altérées chez les patients atteints de CHB. Une réduction marquée de l’expression des co-stimulateurs CD80/CD86 est également observée, de même qu’une activité TLR affaiblie et des troubles métaboliques. Le PEG-IFN-α semble capable de restaurer partiellement ces fonctions, contrairement aux NUCs seuls qui restent peu efficaces à ce niveau.


Les monocytes présentent une surexpression de PD-L1 et d’IL-10, ainsi qu’une réponse TLR affaiblie. Le PEG-IFN-α modifie leur profil transcriptionnel en faveur d’une réponse de type IFN-α, alors que les traitements par TDF ou ETV montrent peu d’effet réparateur sur ces altérations.


Les cellules myéloïdes suppressives, dont l’expansion inhibe la réponse T, voient leur fréquence diminuer sous PEG-IFN-α, suggérant un rôle clé dans la restauration de l’immunité antivirale.


Les cellules NK présentent des réponses très variables selon les traitements. Sous NUCs, les marqueurs activateurs sont modulés de manière hétérogène. En revanche, le PEG-IFN-α stimule les NK CD56
bright, induisant une augmentation de TRAIL, HLA-DR et IFN-γ, signes d’une activation renforcée.

Enfin, les cellules T non conventionnelles sont globalement réduites en nombre et fonctionnellement épuisées, avec une forte expression de PD-1 et Tim-3. Certains traitements, en particulier les agonistes TLR8 comme le selgantolimod et le PEG-IFN, montrent un effet partiel de restauration de leur activité cytotoxique.



Raviver l’immunité, guérir demain ?


La CHB est associée à une altération profonde de l’immunité, marquée par une inhibition des fonctions cytotoxiques, une surexpression de récepteurs inhibiteurs et une réponse T inefficace. Cette immunodysfonction constitue un obstacle majeur à la guérison fonctionnelle. Dans ce contexte, cette revue a été initiée de sorte à proposer un cadre mécanistique fondé sur des données cliniques solides afin de guider le développement de stratégies immunomodulatrices combinées aux traitements antiviraux classiques.


Les résultats mettent en évidence les limites des NUCs, qui, seuls, n’engendrent qu’une restauration partielle et inconstante de l’immunité. En revanche, le PEG-IFN-α apparaît plus efficace pour relancer certaines fonctions immunitaires clés. De nouvelles approches - les agonistes des TLR - offrent des perspectives prometteuses pour réactiver l’immunité et accroître les chances de contrôle virologique durable.


Néanmoins, plusieurs limites freinent encore l’optimisation des approches thérapeutiques, soulignant la nécessité d’études complémentaires. Celles-ci devront explorer en priorité les stratégies combinées, intégrant antiviraux et immunomodulateurs. Par ailleurs, la sélection individualisée des patients, guidée par des biomarqueurs immunologiques, apparaît indispensable pour maximiser les chances d’atteindre une guérison fonctionnelle du HBV.

À lire également : Hépatites : quand le virus écrit ses propres règles




À 
propos de l'auteure – Ana Espino
Docteure en immunologie, spécialisée en virologie

Rédactrice scientifique, Ana est animée par la volonté de relier la recherche à l’impact concret. Spécialiste en immunologie, virologie, oncologie et études cliniques, elle s’attache à rendre la science complexe claire et accessible. Sa mission : accélérer le partage des savoirs et favoriser des décisions éclairées grâce à une communication percutante.
 



Source(s) :
: Shu, Y., et al. (2025). Anti-HBV treatment partially restores the dysfunction of innate immune cells and unconventional T cells during chronic HBV infection. Frontiers in immunology, 16, 1611976 ;

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