28/07/2025
Hépatites : quand le virus écrit ses propres règles
Infectiologie
Par Lila Rouland | Publié le 28 juillet 2025 | 3 min de lecture
#HépatiteVirale #Immunité #PersistanceVirale #ThérapiesAntivirales
Les hépatites virales figurent parmi les premières causes de mortalité infectieuse dans le monde, principalement en raison des infections chroniques par les virus des hépatites B (VHB) et C (VHC). Selon l’OMS, le nombre de décès liés aux hépatites est passé de 1,1 à 1,3 million entre 2019 et 2022. Chaque jour, environ 6000 nouvelles infections surviennent, souvent dans des régions à ressources limitées. Malgré les avancées thérapeutiques, l’objectif d’élimination d’ici 2030 semble encore hors d’atteinte sans un renforcement rapide des actions mondiales.
Les virus des hépatites A, B, C, D et E présentent des caractéristiques virologiques et épidémiologiques propres. HAV et HEV se transmettent par voie oro-fécale et provoquent généralement des hépatites aiguës. En revanche, HBV, HCV et HDV, transmis par le sang ou les contacts sexuels, peuvent évoluer vers des formes chroniques sévères responsables de cirrhoses et de carcinomes hépatocellulaires (CHC).
Le VHB, à ADN partiellement double brin,s’intègre dans le génome de l’hôte, favorisant la persistance virale. Le VHC, virus à ARN très variable, échappe rapidement au système immunitaire. Quant au VHD, virus satellite du VHB, il aggrave la pathogénicité en cas de co-infection ou surinfection.
La pénétration des virus dans les hépatocytes repose sur des mécanismes spécifiques. VHB et VHD utilisent le récepteur NTCP, cible de l’inhibiteur d’entrée Bulevirtide. Le VHC mobilise plusieurs cofacteurs cellulaires (CD81, SR-BI, CLDN1, OCLN), ce qui en fait une cible complexe mais prometteuse. Pour le VHE, la distinction entre formes quasi-enveloppées et nues a révélé des stratégies inédites d’échappement endosomal.
L’immunité innée, activée par des récepteurs PRR tels que TLR, RIG-I ou MDA5, joue un rôle de détection rapide. Pourtant, de nombreux virus ont développé des mécanismes pour contourner ces défenses. Le VHB reste « furtif », tandis que le VHD exploite la réponse interféron pour sa propre réplication.
L’immunité adaptative, fondée sur les lymphocytes T CD8+ et CD4+ et les anticorps, est essentielle à la clairance virale. Toutefois, en cas d’infection chronique, ces cellules deviennent souvent dysfonctionnelles ou épuisées. Chez les patients immunodéprimés, notamment en transplantation, le VHE peut évoluer vers une hépatite chronique grave.
Les virus des hépatites ont développé des stratégies avancées pour échapper aux défenses immunitaires. Le VHB sécrète des particules sous-virales (HBsAg) en excès pour neutraliser les anticorps. Le VHC inhibe les voies des interférons via ses protéines NS3/4A et NS5A. Le VHE module la signalisation via ses protéines ORF1, ORF2 et ORF3, affectant notamment la réponse IFN de l’hôte.
Les lésions hépatiques résultent principalement d’une réponse immunitaire exacerbée. Les lymphocytes cytotoxiques (CTL) détruisent les cellules infectées mais provoquent également inflammation, fibrose et cirrhose. Dans les formes chroniques, cette inflammation persistante altère l’architecture hépatique, augmentant le risque de CHC. Le VHD, par son effet direct cytotoxique, accélère la dégradation hépatique. Le VHB, via l’intégration de son ADN, et le VHC, par l’inflammation chronique, sont fortement impliqués dans la carcinogenèse hépatique.
Le traitement varie selon le type viral. Pour le VHB, les analogues nucléosidiques (entécavir, ténofovir) et les interférons peuvent contrôler la réplication, sans éradiquer l’infection. Le VHC bénéficie aujourd’hui des antiviraux à action directe (AAD), avec des taux de guérison >95 %. Toutefois, leur coût et la réinfection restent des freins. Le traitement du VHD repose principalement sur l’interféron pégylé, avec des effets limités. Le Bulevirtide représente une avancée prometteuse. Le VHE, souvent auto-résolutif, ne dispose pas de traitement antiviral homologué, sauf le ribavirine utilisé hors AMM dans les cas sévères.
Les innovations en cours explorent l’édition génomique (CRISPR-Cas9), les vaccins thérapeutiques et la modulation immunitaire pour éradiquer les réservoirs viraux persistants et restaurer une réponse immune fonctionnelle.
Comprendre les stratégies d’évasion virale et les failles du système immunitaire ouvre la voie à une nouvelle génération de traitements curatifs. La bataille contre les hépatites ne se gagnera pas seulement avec des antiviraux, mais aussi en rééduquant notre propre immunité.
À propos de l’auteure – Lila Rouland
Docteure en cancérologie, spécialisée en biotechnologies et marketing
Forte d’une double compétence scientifique et marketing, Lila met son expertise au service de l’innovation en santé. Après 5 années en recherche académique internationale, elle s’est tournée vers l’information médicale et scientifique en industrie pharmaceutique. Aujourd’hui rédactrice-conceptrice, elle s’attache à valoriser les savoirs scientifiques et à les transmettre avec clarté et pertinence aux professionnels de santé.
#HépatiteVirale #Immunité #PersistanceVirale #ThérapiesAntivirales
Une menace mondiale amplifiée par les formes chroniques
Les hépatites virales figurent parmi les premières causes de mortalité infectieuse dans le monde, principalement en raison des infections chroniques par les virus des hépatites B (VHB) et C (VHC). Selon l’OMS, le nombre de décès liés aux hépatites est passé de 1,1 à 1,3 million entre 2019 et 2022. Chaque jour, environ 6000 nouvelles infections surviennent, souvent dans des régions à ressources limitées. Malgré les avancées thérapeutiques, l’objectif d’élimination d’ici 2030 semble encore hors d’atteinte sans un renforcement rapide des actions mondiales.
Un éventail de virus, un même organe ciblé
Les virus des hépatites A, B, C, D et E présentent des caractéristiques virologiques et épidémiologiques propres. HAV et HEV se transmettent par voie oro-fécale et provoquent généralement des hépatites aiguës. En revanche, HBV, HCV et HDV, transmis par le sang ou les contacts sexuels, peuvent évoluer vers des formes chroniques sévères responsables de cirrhoses et de carcinomes hépatocellulaires (CHC).
Le VHB, à ADN partiellement double brin,s’intègre dans le génome de l’hôte, favorisant la persistance virale. Le VHC, virus à ARN très variable, échappe rapidement au système immunitaire. Quant au VHD, virus satellite du VHB, il aggrave la pathogénicité en cas de co-infection ou surinfection.
Des portes d’entrée bien gardées
La pénétration des virus dans les hépatocytes repose sur des mécanismes spécifiques. VHB et VHD utilisent le récepteur NTCP, cible de l’inhibiteur d’entrée Bulevirtide. Le VHC mobilise plusieurs cofacteurs cellulaires (CD81, SR-BI, CLDN1, OCLN), ce qui en fait une cible complexe mais prometteuse. Pour le VHE, la distinction entre formes quasi-enveloppées et nues a révélé des stratégies inédites d’échappement endosomal.
L’immunité mobilisée… puis contournée
L’immunité innée, activée par des récepteurs PRR tels que TLR, RIG-I ou MDA5, joue un rôle de détection rapide. Pourtant, de nombreux virus ont développé des mécanismes pour contourner ces défenses. Le VHB reste « furtif », tandis que le VHD exploite la réponse interféron pour sa propre réplication.
L’immunité adaptative, fondée sur les lymphocytes T CD8+ et CD4+ et les anticorps, est essentielle à la clairance virale. Toutefois, en cas d’infection chronique, ces cellules deviennent souvent dysfonctionnelles ou épuisées. Chez les patients immunodéprimés, notamment en transplantation, le VHE peut évoluer vers une hépatite chronique grave.
L’arme ultime des virus : l’évasion immunitaire
Les virus des hépatites ont développé des stratégies avancées pour échapper aux défenses immunitaires. Le VHB sécrète des particules sous-virales (HBsAg) en excès pour neutraliser les anticorps. Le VHC inhibe les voies des interférons via ses protéines NS3/4A et NS5A. Le VHE module la signalisation via ses protéines ORF1, ORF2 et ORF3, affectant notamment la réponse IFN de l’hôte.
Une destruction hépatique à bas bruit
Les lésions hépatiques résultent principalement d’une réponse immunitaire exacerbée. Les lymphocytes cytotoxiques (CTL) détruisent les cellules infectées mais provoquent également inflammation, fibrose et cirrhose. Dans les formes chroniques, cette inflammation persistante altère l’architecture hépatique, augmentant le risque de CHC. Le VHD, par son effet direct cytotoxique, accélère la dégradation hépatique. Le VHB, via l’intégration de son ADN, et le VHC, par l’inflammation chronique, sont fortement impliqués dans la carcinogenèse hépatique.
Panorama thérapeutique actuel et perspectives d’avenir
Le traitement varie selon le type viral. Pour le VHB, les analogues nucléosidiques (entécavir, ténofovir) et les interférons peuvent contrôler la réplication, sans éradiquer l’infection. Le VHC bénéficie aujourd’hui des antiviraux à action directe (AAD), avec des taux de guérison >95 %. Toutefois, leur coût et la réinfection restent des freins. Le traitement du VHD repose principalement sur l’interféron pégylé, avec des effets limités. Le Bulevirtide représente une avancée prometteuse. Le VHE, souvent auto-résolutif, ne dispose pas de traitement antiviral homologué, sauf le ribavirine utilisé hors AMM dans les cas sévères.
Les innovations en cours explorent l’édition génomique (CRISPR-Cas9), les vaccins thérapeutiques et la modulation immunitaire pour éradiquer les réservoirs viraux persistants et restaurer une réponse immune fonctionnelle.
Conclusion : l’immunité comme levier thérapeutique
Comprendre les stratégies d’évasion virale et les failles du système immunitaire ouvre la voie à une nouvelle génération de traitements curatifs. La bataille contre les hépatites ne se gagnera pas seulement avec des antiviraux, mais aussi en rééduquant notre propre immunité.
À lire également : HBsAg et immunité : un frein ou un allié contre l’hépatite B ?
À propos de l’auteure – Lila Rouland
Docteure en cancérologie, spécialisée en biotechnologies et marketing
Forte d’une double compétence scientifique et marketing, Lila met son expertise au service de l’innovation en santé. Après 5 années en recherche académique internationale, elle s’est tournée vers l’information médicale et scientifique en industrie pharmaceutique. Aujourd’hui rédactrice-conceptrice, elle s’attache à valoriser les savoirs scientifiques et à les transmettre avec clarté et pertinence aux professionnels de santé.

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